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La Philosophie d'Alan Watts
28 avril 2012

Arc-en-Ciel 2/2

Arc-en-Ciel 2/2 Guan-Yin m'est miséricordieuse! Je viens de trouver en http://ideeschinoises.blog.lemonde.fr/ du 04.04.2012 ...ce qu'il me faut pour poursuivre : «Dans les premiers chapitres je n’ai pas eu le sentiment, comme promis par le compte-rendu du Monde des livres1, de découvrir des idées nouvelles. La pensée comme l’expression arborent une pleine maturité, mais, pour qui connaît le travail de F.Jullien , rien de neuf dans l’interprétation proposée de la pensée chinoise : « ni muthos ni logos », toujours la même expression, au demeurant si efficace sous l’angle pédagogique. Là-bas, nous rappelle-t-elle, on ne narre pas, on n’argumente pas, on est dedans, tout de suite, dans le mouvement des choses, et on n’en sortira plus. Dans ce discours simple, étale, doucement irrésistible, pas d’Être (ni de devenir), pas de Dieu (ni de monde créé), pas de Sujet (ni d’objet), pas d’Esprit (ni de matière). Rien que du souffle-énergie en mouvement sous l’égide d’une Voie qui jamais ne s’arrête. Pas d’éternité non plus mais un écoulement sans fin, comme le fleuve dont Confucius contemple sereinement le cours. On ne se creuse pas la tête sur un Premier Commencement, on ne s’angoisse pas sur une Fin Dernière. Les Chinois ne se posent que les problèmes qu’ils peuvent résoudre.» Nous avons vu que la perception première du "calice-baiser" (du calice et/ou baiser) est une affaire de convenance personnelle, de "connotation affective". Un anticlérical n'y verra d'ailleurs pas du tout un calice mais un simple pot de fleur ! (Pour souligner, dans mon bouquin hors-commerce, ce qu'en dit Watts, j'avais du dessiner un "vase" qui ressemble vraiment à un calice tout en maintenant "l'indécision perceptive" selon que l'on regarde d'abord le fond ou la forme, le noir ou le blanc). L'inconvénient de cette démonstration expérimentale est sa réduction à une seule alternative et que l'objet de perception est statique. Dans la perception d'un arc-en-Ciel, l'expérience est bien moins statique et comporte même une connotation d'espoir si celle-ci intervient alors que vous marchez ou roulez à bicyclette complètement trempé. Le Ciel paraît vouloir dire "t'en fais pas mon petit gars, ça va sécher". Par le fait, ça m'est arrivé plusieurs fois ; ce n'est peut-être pas de la grande mystique mais ça fait tout de même sacrément plaisir de se retrouver à sec quelques kilomètres plus loin/plus tard qu'au lieu et moment de "l'apparition"! Et, à défaut d'un sentiment "océanique", on peut éprouver un sentiment de connivence avec la nature. Dans l'arc-en-ciel, philosophiquement, les choses se compliquent un peu en ce sens qu'après s'être demandé s'il s'agit d'une réalité objective observable dans certaines conditions optiques ou d'un phénomène optique réalisable dans certaines conditions objectives, que reste-t-il à dire ? Pas grand-chose. Nous revenons à une classique dissertation de classe de philosophie sur l'exactitude de la perception que nous avons du monde, et de la représentation mentale que nous en formons. Et, à priori, ce problème ne concerne pas un "tabou qui nous empêcherait de savoir qui nous sommes", et que j'ai d'ailleurs de plus en plus envie de reformuler en "Tabou qui nous contraint d'ignorer ce que nous sommes"! § Un observateur en position ad hoc + le soleil + l'humidité = arc-en-ciel.  Bien sûr, on pourrait dire que si le soleil et l'humidité sont en relation ad hoc, disons, plus l'océan, tout observateur sur un navire qui navigue en conformité avec eux peut voir un arc en ciel.  On pourrait dire qu'avec un observateur et le soleil correctement alignés, l'arc-en-ciel apparait quand il y a de l'humidité dans l'air! Mais, nous dit Watts, cette présentation des choses n'est pas admissible dans notre culture, car elle laisserait supposer qu'il y faut un observateur, alors que la mystification ordinaire consiste à laisser penser que les choses existent par elles-mêmes, qu'il y ait un observateur ou pas. Pour ma part, je dois dire que cette question proprement dite ne m'a jamais beaucoup inquiété. J'ai appris au "petit catéchisme" que Dieu fait apparaître un arc-en-ciel pour nous dire qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il n'est pas fâché. Ce ne sera pas le Déluge. Le soleil et sa chaleur vont revenir. Mais, je dois avouer que j'avais été traumatisé (j'en avais fait des cauchemars plusieurs nuits de suite) quand j'avais lu cette autre question de Watts : "Quand des arbres tombent par une nuit de tempête, que deviennent-ils au petit matin s'il n'y a eu personne pour entendre le fracas le leur chute ?" C'était comme toucher du doigt l'irréalité du monde. C'était terrifiant. Car, si le monde est irréel, il s'ensuit à coup sûr que moi-je pourrais être tout aussi irréel que lui ! Que reste-t-il donc si moi et le monde n'existent pas réellement ? (Excusez-moi de jouer les instites, mais c'est peut-être le moment de relire mon emprunt à "Idées chinoises"...) Descartes -mais peut-être plus les cartésianistes que Descartes lui-même- nous diront qu'il y a au moins une certitude sur laquelle on peut s'appuyer avec confiance : que nous puissions "penser" à l'irréalité du soi, du monde ou des deux ensembles prouve que penser existe (et est "réel"). C'est l'un des "fondamentaux" de l'Occident. En Orient, en Extrême-Orient, se situer dedans le mouvement est plus important (et pratique) que penser le mouvement, ou les éléments nécessaire au mouvement, ou, sinon, la perception du mouvement dans lequel nous sommes.

 Yin yang 

Ce symbole (taiji tu) doit s'imaginer en mouvement, la nuit-noir-vieille-yin s'effaçant au fur et à mesure que le jour-blanc-jeune-yang la recouvre - et alternativement !

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22 avril 2012

Arc-en-Ciel 1/2

Arc-en-Ciel 1/2

Alan Watts a souvent dit d'une manière ou d'une autre que nous concevons habituellement toute limite comme séparation par "choix" culturel ; nous pourrions aussi bien juger que toute limite relie plus qu'elle ne sépare. La peau de notre corps limite sa différence d'avec l'air environnante mais nous y unit. La peau est poreuse et fragile. Sinon, nous pourrions sans dommage nous baigner dans du gas-oil comme dans de l'eau claire (s'il en reste!). Notre peau est la forme de notre corps dans l'air ambiant, ou dans l'eau, le feu, les végétaux eux-mêmes (allez donc vous plonger dans un bosquet de ronces!) ou le métal (d'une automobile classique, par exemple, quand on oublie de traverser dans les clous et qu'on se retrouve à l'hôpital!).

Nous avons une logique d'exclusion plutôt que d'inclusion.

 

Une anecdote au passage : je me souviens avoir lu le compte-rendu d'un missionnaire catholique, dans une petite tribu vivant aux confins du Bhoutan, de l'Inde et de la Birmanie (tout au nord-est de la carte de l'Inde, si vous voulez à peu près situer), expliquant l'impossibilité dans lequel il se trouvait d'expliquer à ses nouvelles ouailles le dogme de l'Immaculée Conception : ils ne disposaient d'aucun mot pour désigner la "virginité", ni aucun mot pour désigner la "maternité" (comme résultat de l'intervention d'un père identifiable)*. Si ma mémoire ne me trahit pas, ils conclurent des explications -pour eux bien alambiquées- du missionnaire que la Vierge Marie était une magicienne ayant une sorte de théâtre à l’intérieur de son ventre : on écarte les rideaux et -hop!- Marie & Joseph se retrouvent avec dans les bras un magnifique petit Jésus, dont Dieu leur a fait cadeau. Ma foi! Je dois dire que je trouve cette métaphore bien plus poétique que celle du bébé dans un chou-fleur ou par parthénogenèse....

*Nota : cette manière d'envisager la chose serait également courante dans de nombreuses tribus du Sud-Est chinois.

La variété des vocabulaires "locaux" peut aller beaucoup plus loin que le mot "neige" selon que l'on est esquimau ou amérindien, mentionnée dans The Book. Les expériences de vie, dont de "vie religieuse", ne sont pas toujours transmissibles, voire seulement traduisibles, d'une culture à l'autre. Et, c'est l'une de toute première idée du Livre que j'ai rapportée ici : Nous explorons les ombres de la vie avec le mince éclairage d'une lampe de poche, faisant succéder nos perceptions (et, au bout du compte nos aperceptions - notre savoir tout entier) de manière disparate et fractionnelle. Nous expérimentons une aperception de nous-mêmes comme nous expérimentons une perception des objets externes -et nous les expérimentons à la vas-comme-je-te-pousse de nos désirs comme à hue et à dia de nos émotions.

 

Je n'oserai l'affirmer, mais il me semble que le phénomène de l'arc-en-ciel est l'un des rares, voire le seul "objet" global que l'ego puisse percevoir en tant qu'ego séparé. Je suppose, sans l'affirmer, que c'est la raison qui explique le caractère quasi sacré, en tout cas symbolique ou religieux, attaché à l'arc-en-ciel.

 

Il devrait me permettre de sortir de l'impasse où mes réflexions me menaient. (Mon erreur ayant été de me fier au souvenir d'avoir "bien rigolé" en lisant Le Livre de la Sagesse en français. En réalité, je ne l'avais pas lu avec suffisamment d'attention. Et, par exemple, je ne m'étais pas aperçu que cet ouvrage est sans doute le seul et unique livre directement et explicitement libertaire et antipolitique qu'il ait rédigé. L'aide humanitaire, à plus forte raison "l'intervention" humanitaire, n'étaient pas encore d'usage courant : leur nocivité est directement mise en cause dans Le Livre. J'entends "sans faire appel à la différence Société Traditionnelle-Société Moderniste"1.)

Avec ces mots qui viennent fractionner le Réel2, qu'avons-nous déjà relevé ?

- que tenter d'entrer en "méditation", c'est tenter d'être là, tel que l'on est, sans esprit de devenir, sans arrière pensée d’Être autrement ; seulement d'être en présence de soi-même... quelque soit le contenu référé par ce "soi-même"3.

- le "double-bind" comme premier facteur actif de notre Ignorance du Soi cosmique4.

- que l'exemple type et quasi générique est «Sois sincèrement toi-même comme tout le monde!», qui est à double niveau //«sois sincèrement toi-même»// qui est en une double-injonction contraire : ce "Sois" signifie en fait "Agis" ou "comportes-toi" (ne serait-on pas en droit de ne rien manifester, de n'avoir aucun comportement repérable, de demeurer anonyme au milieu des autres ou "en repos" dans l'isolement.... comme en méditation et sans rien faire ?)

J'ai eu un oncle, pas très scientifique ni littéraire, qui disait "bouges-toi!", généralement associé à "tu veux du bœuf, je te ferai manger du cochon!"...

Nous ne sommes pas loin du //«comme tout le monde»// car la norme sociale vient indiquer ce qu'un bon "soi-même" (bon citoyen ou bon fidèle d'une religion) doit faire et ne pas faire...

"pour son bien"... la société civile et/ou religieuse ne peut vouloir que le bien de ses membres, n'est-ce pas ?

 

Bien entendu, lorsque Alan Watts nous dit que la religion consiste à éplucher les patates en pensant à Dieu (ou en "offrant" sa peine à Dieu) alors que le Chan/Zen consiste à se contenter de les éplucher dans l'instant de chaque pelure, il peut être bon de savoir que ce Dieu peut être l'argent, le pouvoir, l'érotisme, la réussite sociale, les honneurs, etc. aussi bien que le Père Éternel. Cette idée de Dieu, en tant que valeur suprême, est de l'ordre de ce "comme tout le monde".

- si la forme et le fond s'engendre mutuellement, il peut être utile de savoir que l'on ne peut être "soi" (la forme) qu'en fonction du fond (la société des "comme tout le monde") au niveau mental.

- les divers problèmes d'acculturation et d'inculturation, comme ceux du bourrage de crane, apparaissent alors. Il est bon de connaître ses propres racines, au niveau des contraintes directes policières ou psychiatriques, comme au niveau des "double-bind" beaucoup plus cachées et/ou inconscientes.

- servam annam, tout est nourriture, vaut à tous les niveaux, plans, aspects de ce "soi-même" comme de ce "comme tout le monde"5. Nourriture du corps, des émotions, des ratiocinations.

- nous envisageons "les choses" séparément mais néanmoins comme de même "substance"!

 

Mais, j'y reviendrai car j'ai insensiblement fait varier l'acception des notions utilisées.

Est-ce l'impasse ? Au moins, que je me sois perdu en cours de route ? Probable...

Le point soulevé au début étant la perception de deux formes et de deux fonds, chaque noir-blanc et chaque blanc-noir indiquant deux choses différente selon son coup d’œil : un vase ou deux visages nez à nez, pouvant donner lieu à des projections différentes : par exemple, l'amoureux qui "voit" des lèvres s'approchant pour un baiser et le prêtre qui y "voit" le calice du rituel & sacrement de son sacerdoce.

 

 

 

1-Dans mon essai sur Watts (et un essai n'est pas un traité), j'avais cité la célèbre phrase de Thoreau « De tout cœur, j'accepte la devise "Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins" » parce-que tous les amis de Watts le pensaient et l'utilisaient pour la question raciale, la guerre du Vietnam comme dans le mouvement psychédélique. Toutefois, -à prendre avec réserve-, dans Le Livre, Watts se réfère nommément à Thoreau pour le première fois.

2Pour paraphraser Laozi (35), le Tao devient fade et sans saveur, on le regarde mais on ne le voit pas, on l'écoute mais on ne l'entend pas... nos cinq sens ne nous permettent plus de percevoir et d'avoir l’intuition directe de l'ensemble de ce panier sémantique contenant des mots tels que Réel, Soi cosmique, Dieu, etc. mais évitant (ici) d'en donner une quelconque quiddité.

3Pour simplifier, à l'usage des connaisseurs : pratyahara et dharana ne sont pas Dhyâna, ni Samadhi -étant toutefois entendu que les huit branches sont parties d'un même arbre qui pousse simultanément de toutes parts... en absence d'un obstacle ou d'un coup de vent venant casser telle ramification et obligeant à une nouvelle harmonie (et/ou homéostasie) de l'ensemble.

4J'évite, ici, "double-contrainte", car dans la "névrose expérimentale" deux stimuli de force égale et opposée peuvent entrainer une sorte de catalepsie. Cette perception est directe, réelle et "correcte" quant aux stimuli. Dans le "double-bind" la perception est "incorrecte", inconsciente... ou "subconsciente" à la rigueur!

5Je ne puis résister au jeu de mots : comme tout le monde, dans un "monde" dont 95% des gens "normaux" vivraient à New-York et -voyageant- dépasseraient la statue de la Liberté pour se retrouver aussitôt dans le port de Shanghai!

16 avril 2012

Précision

La citation sur le "sentiment océanique" est bien sûr de Pierre Hadot.

Les paragraphes se sont inversés.

Bonne journée !

16 avril 2012

Le Livre de la Sagesse (4/5-E)


Avant d'en venir au 5/5 des méandres de ma réflexion....

Alan Watts nous dit lui-même :

Mon propre travail, bien qu'il puisse paraître parfois un système d'idées, est fondamentalement une tentative de décrire l'expérience mystique, non pas de visions officielles et d'êtres supra-naturels, mais de la réalité telle qu'on la voit, et qu'on la ressent directement dans le silence des mots et du mental. («My own work, though it may seem at times to be a system of ideas, is basically an attempt to describe mystical experience, not of formal visions and super-natural beings, but of reality as seen and felt directly in a silence of words and mindings.»In my own way, p5)

Mon commentaire de cette citation précise -et séparé de tout contexte autre que mon propos- serait celui-ci : "l'officiel" et "le surnaturel" relève de l'inculturation, de l'acculturation ou des Soucoupes Volantes, mais pas de cette spontanéité naturelle et réelle (autrement dit, pouvant être décelé par des électroencéphalogrammes, des analyseurs de sang et je ne sais trop quel autre moyen du "genre pour cosmonaute", mais qui attesterait, voire prouverait, que "du réel" a eu un "effet" sur "du réel".... en dehors des mots, de tout système de croyance ou de toute élucubration du mental).

Tout ça seulement pour dire que je souhaite parvenir le moment venu, très bientôt, à susciter un autre écho qu'une réaction du genre "tiens? intéressant!"

J'ai déjà eu l'occasion de le dire : que ce soit comme "vulgarisateur" du Chan/Zen ou d'un transcendance ésotérique de l'opposition Orient-Occident, Alan Watts est dépassé depuis longtemps.

Il demeure la question de savoir quel est l'impact des mots "vulgarisés", quelle expérience personnelle intérieure ("ésotérique") en découle, quelle transformation, etc. ... quelle Voie ouverte sur laquelle marcher et non plus gloser.

&

Je tiens par avance à me défendre de passer sans cesse du coq à l’âne dans cette suite de réflexions suscitées et élevées par ma (cette fois-ci) lente lecture du THE BOOK, LE Livre : n'y aurait-il aucun lien d'interdépendance mutuelle entre un coq et un âne ?

&

Alan Watts, en soulignant l'importance de la Contemplation chez Aristote, m'a évidemment fait penser à Aristote lui-même, qui m'a fait penser à Pierre Hadot. Lequel me fit un choc aussi considérable que si j'avais lu à la une d'un quotidien "Les professionnels de la philosophie descendent dans la rue pour réclamer du gouvernement un peu plus de Sagesse!". J'en étais sidéré. Cette année là, 1996, je lisais systématiquement peut-être m'y avait-on abonné– le Magazine littéraire. L'un de ses numéros porte sur le thème «Le souci, éthique de l'individualisme» (345 - juillet-août 1996), dont l'un des articles titrait explicitement Le souci de soi, venant fortement nuancer cet "individualisme". Ma collection de cette revue doit être dans l'un ou l'autre de mes cartons. Il y a suffisamment de pagaille chez moi pour que je me risque à en ouvrir au hasard. Mais, via le Web, j'ai pu consulter une interview effectuée peut avant sa mort parPhilosophie Magazine (Propos recueillis par Thierry Grillet) dans laquelle, il déclare :

«D'où le reproche d'incohérence ou de mauvaise composition que les interprètes modernes, obnubilés par l'aspect systématique d'une pensée, ont souvent fait à l'égard de ces philosophes antiques. Je me suis rendu compte que les auteurs composaient, non pas pour exposer un système, une théorie parfaitement cohérente, mais pour produire un effet sur le lecteur ou l'auditeur. Ils voulaient faire travailler l'esprit de l'auditeur ou du lecteur pour qu'il se mette dans une certaine disposition. D'où cette mobilisation de tous les moyens rhétoriques et imaginatifs pour convertir*. ...on voulait convertir les disciples à des modes de vie bien précis.»

 *Souvenons-nous que Pierre Hadot "pense grec" et qu'il entend donc "conversion" au sens de transformation de soi (metanoïa) et non pas, bien entendu, de "credo"...

 

N'est-ce pas proche de ce Watts nous dit de son "own work" ? Et, tacitement, ne suis-je pas une manière de "disciple" du philosophe californien ?

J'ajoute qu'il déclare aussi «Je m'étonnais d'être moi, d'être là dans ce monde immense et inconnu, dont j'étais une partie. Romain Rolland a appelé cela le «sentiment océanique». Ai-je été prédisposé à la philosophie par cette expérience?»

Je m'étais réconcilié avec cette notion "océanique" via celle de "retour" de la Chine ancienne. Mais, dans ma jeunesse, on m'avait tellement rabattu les oreilles des tendances "régressives" de ma personnalité que "océanique" m'était devenu ... tabou.

Au fond, vision "synoptique" pour l'intellect

vision "océanique" pour le sentiment

vision d'inclusion et d'appartenance pour le corps... Dao.

 

 

 

12 avril 2012

Le Livre de la Sagesse (4-5-C)

Le Livre de la Sagesse (4-5-C)

 

Pour débroussailler le terrain, qui en a bien besoin, je propose d'aller voir ailleurs que dans l’œuvre d'Alan Watts.

Car, je pourrais dire que (particulièrement au long du Chapitre 5) qu'Alan Watts a copié sur Liezi et son si fameux Yangzu :

 

...il faut leur laisser toute liberté d’écouter, de regarder, de flairer, de goûter ; toute licence pour les aises du corps et le repos de l’esprit. Toute restriction mise à quelqu’une de ces facultés, afflige la nature, est une tyran­nie. Être libre de toute contrainte, pouvoir satisfaire tous ses instincts, au jour le jour, jusqu’à la mort, voilà ce que j’appelle vivre.

=

Il arrivera certainement à vivre plus longtemps, dit Yang-tchou. Mais, vivre plus longtemps, est ce un résultat qui vaille qu’on se donne tant de mal, que l’on fasse tant d’efforts ? Le monde a toujours été, et sera toujours, plein de passions, de dangers, de maux, de vicissitudes. On y entend, on y voit tou­jours les mêmes choses ; les changements même n’y aboutissent à rien de nouveau. Au bout de cent ans d’existence, ceux qui ne sont pas morts de douleur, meurent d’ennui.

=

Le monde a toujours été, et sera toujours, plein de passions, de dangers, de maux, de vicissitudes. On y entend, on y voit tou­jours les mêmes choses ; les changements même n’y aboutissent à rien de nouveau. Au bout de cent ans d’existence, ceux qui ne sont pas morts de douleur, meurent d’ennui.

...

Les anciens ne donnaient pas un poil à l’État, et n’au­raient pas accepté qu’on se dévouât pour eux au nom de l’État. C’est dans ces temps là, alors que les particuliers ne faisaient rien pour l’État, et que l’État ne faisait rien pour les particuliers ; c’est dans ces temps là, que l’État se portait bien. (Liezi.7) (ici traduction Weiger)

= = =

Mais, comme le note Cassandre, dans son http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1936

on ne manquera pas de me dire que

Lie Zi (4e siècle avant notre ère) et son « complice » Yang Zi (quand on écrit ce Zi là, on veut dire Maître, titre réservé aux penseurs et aux philosophes, attitude qui décrit une civilisation aussi bien que le fait qu’ailleurs ce même mot soit obséquieusement attribué aux avocats et aux notaires) sont définis dans notre langue par sept attributs : déterminisme, fatalisme, naturisme, épicurisme, scepticisme, égoïsme, pessimisme.

Il va sans dire que je ne partage pas les ardeurs militantes de Cassandre, dont je n'ai d'ailleurs découvert le site que hier matin, alors que je cherchais une traduction très "académique" de Liezi!

mais -c'est un autre fait- je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il aurait bien fait rigoler Alan par ces autres qualités de Yangzi:

Égotiste revendiqué, individualiste, hédoniste, trois nouvelles qualifications....

...on pourrait l’accuser d’athéisme ; comme, en outre, il refuse tout embrigadement, voilà que l’on n’a pas manqué quelquefois de lui attribuer un anarchisme vigoureux. Encore deux - ismes de plus.

ou encore cet autre paragraphe:

« L’attitude de Yang Zhu possède en outre un énorme avantage : elle a probablement épargné à ceux qui ont eu à la connaître de se débattre dans l’hypocrisie des sentiments. On voudrait même aller jusqu’à dire que l’on pourrait la qualifier, ce que quelques esprits mal informés affubleront du mot paradoxe, d’une parfaite selflessness.

Pour les hésitants : selflessness est un compliment immense et neutre. Il signifie, selon le Harrap’s, soit désintéressement, soit générosité. On est loin des qualificatifs du début. Certaines traductions sont, d’évidence, idéologiquement biaisées quand elles donnent comme résultat : abnégation (trad Google), dévouement, abnégation (Collins), altruisme (Larousse), ou bien pire : oubli de soi, priorité à autrui. Elles reflètent toutes, plus ou moins, l’idéologie poisseuse d’une « société du care  », cette société dite du « bien-être » dans laquelle de bonnes âmes (sic) veulent nous engluer.»

Je rappelle au passage que j'ai prétendu viser une réponse à la question : "Pourquoi ne sommes-nous pas naturellement heureux, dans une société, religieuse ou laïque, qui -et c'est bien naturel- ne veut rien d'autre qu'assurer le bonheur de chacun le temps de son existence?" Ou, après...

&

Découvrir la véritable nature du "Moi" et du tabou qui nous en voile le simple perception est en effet bon à savoir pour la santé et la paix de nos esprits mais aussi pour des raisons très pratiques en économie, politique et technologie. («This is important not only for sanity and peace of mind, but also for the most "practical" reasons of economics, politics, and technology.»)

&

Je renvois (publicité gratuite) à Le monde diplomatique, d'Avril 2012, au sujet de la réunion sur « le bonheur » organisée par le royaume du Bhoutan au siège des Nations unies, Olivier Zajec, dont je voudrais citer ces trois phrases : « En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue. »  1968, Robert Kennedy

 

«Comme l'écrit la CMPEPS, l'exigence de passer d'une évaluation de l'activité marchande à une évaluation du bien-être se fait plus pressante. (...) Les politiques devraient avoir pour but non d'augmenter le PIB, mais d'accroître le bien-être au sein de la société . Objectif qui ne remet pas totalement en question le PIB comme indicateur, mais implique de le transcender. Ce qui pourrait avoir des conséquences radicales. L'une d'elles serait la contestation du « modèle » américain, qui corrèle croissance et progrès. S'imposerait aussi le réexamen des mesures macroéconomiques monolithiques du FMI, fondées sur l'unilatéralisme des indicateurs classiques. 

 

L'économie libérale demeure un artéfact religieux et, comme tel, hésite à se priver de ses faillibles augures. Tant pis si ces derniers, marché ou agences, ont régulièrement besoin de victimes pour pouvoir « lire » dans les entrailles de la croissance.»

 

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10 avril 2012

Le Livre de la Sagesse (4/5-B)

Cup or faces paradox

=

 

Le fond et la forme s'engendrent mutuellement, tels le Yin-Yang.

 

Il importe de faire remarquer l'Ancienne Civilisation étant déjà entrée en décadence qu'il devint rapidement nécessaire "d'inventer" les notions de "jeune yin/vieux yin" et "jeune yang/vieux yang", afin de faire bien comprendre que cette relation est dynamique et que le Dao est, par définition, mouvement.

 

Nous poserons diverses questions idiotes :

 

- Pourquoi ne naissons-nous pas et ne restons-nous pas heureux tout le temps de notre existence ?

 

- Pourquoi les gouvernants s'acharnent-ils à faire le malheur de leurs peuples ?

 

Nota : ma formulation implique par elle-même un lien dont je tenterai d'éviter de tenir compte (du moins dans un premier temps). ma référence première est la fable du "chien et du loup", mais elle ne tient pas compte du phénomène de la domestication : un loup éduqué tel un chien ne peut pas survivre dans la nature.

 

Le but poursuivi sera plutôt une illustration de mon idée (mon "dada") de vouloir qualifier Alan Watts de taoïste, étant entendu que le Dao est un idéogramme chinois mais sa réalité universelle.

 

Afin de tisser les items, ils seront plusieurs fois utilisés sous des aspects, des niveaux ou des angles différents.  

 

10 avril 2012

Le Livre de la Sagesse (4/5-A)

Le Livre de la Sagesse (4/5-A)

 

The Book est l'avant-dernier livre (rédigé) d'Alan Watts. Mis à part In my own way (et "Tao", inachevé, publié à titre posthume), il ne publiera plus rien. (Il avait interdit que ses enregistrements radio ou télé soit retranscrits de son vivant).

Alan Watts ne tardera d'ailleurs pas à prendre les dispositions nécessaires au sujet de la répartition de ses biens comme de ses droits d'auteur, entre ses femmes, enfants et petits-enfants.

Il sait déjà que "son temps est compté". Il fera bien un séjour en hôpital, mais, au bout du compte jugera que le jeu (de se soigner) n'en vaut pas la chandelle. Il reprendra ses habitudes (dont celle d'alcool) comme si de rien n'était et se mettra à beaucoup voyager en Europe et en Asie. Voyages éclairs le plus souvent, accompagnés de quelques amis qui demeurent très avares de souvenirs.

Détails "people" : chaque épouse reçoit les droits correspondants aux livres écrits au cours du temps de leur mariage - une femme prétendra indument avoir eu un enfant de lui, mais un détective privé se chargera d'établir l'infondé de ses allégations - à examiner cet "aspect du dossier", on peut découvrir que ses enfants et petits-enfants furent soigneusement tenus à l'écart des frasques de leur père ou grand-père - on dit même que l'une de ses filles ne savaient pas que son père était célèbre ! - toutes les décisions seront scrupuleusement respectées par la famille, puis prorogées.

 

&

 

Ce tabou, qui, en résumé, nous fait penser que nous sommes un ego, séparé à l'intérieur d'un corps lui-même séparé -et en conflit- avec son environnement physique, lui-même séparé d'avec le "divin" et/ou le fin mot de l'histoire de notre propre existence.

Je voudrais reposer la question à l'inverse de ce qu'elle parait être posée dans ce Livre :

Non plus envisager ce qui nous empêche mais ce qui nous CONTRAINT.

(Accessoirement, ça revient à se demander aussi, implicitement, si nous ne serions pas beaucoup plus "pré-déterminé" que "déterminé", que ce soit génétiquement ou linguistiquement. Puisque aussi bien, un musicien quoique "déterminé" par do-ré-mi-fa-sol-la-si-do et ses intervalles, etc. est LIBRE d'en faire ce qu'il veut. (De grandioses opéras ou, tel John Cage, monter sur scène nous jouer des silences, et en rester là!)

N'était-ce pas André Gide, sur un tout autre sujet, qui notait pour ainsi dire :

"il y faut, mais il y a beaucoup de comme il plaira"?

Watts utilisa largement les théories de la perception des formes, et je vais commencer par là.

L'une des "lois" de ces théories consiste à distinguer "la bonne forme", laquelle est souvent idéologique. Loi de perception, elle l'est aussi du phénomène de projection, d'une perception élective, d'un choix pourrait-on dire... si nous ne savions d'avance que ce "choix" est lui-même déterminé... ou "pré-déterminé"... ou métaphysique d'une certaine manière.

Le vase de Rubin, qui peut aussi bien représenter un calice que deux amoureux sur le point de s'embrasser, servira plusieurs fois pour rendre sensible que le "fond" et la "forme" s'engendrent mutuellement.

C'est ce que je me propose d'examiner au long des pages qui suivront, portant sur l'Inculturation et la Spontanéité. (Ou mettons, provisoirement, "religion" et "nature".)

 

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Il n'est pas inutile, auparavant, de rapporter qu'Alan Watts, dans l'une des dernières pages du Livre, nous dit (quoique nous puissions penser par ailleurs de sa logique et de ses discours) que nous devons continuer de respecter Aristote en ce qu'il nous rappelle que la raison et le but de l'action, son objectif est toujours la contemplation - connaître et être plutôt que chercher et devenir. (the goal of action is always contemplation knowing and being rather than seeking and becoming).

L'homme moderne se demande surtout "que faire?" et "ça rapporte combien ?".

Chez l’égoïste (selon nos normes en vigueur), il est difficile de discerner laquelle des deux questions est première ; dans le cas de l'altruiste (selon nos normes), la seconde question se transforme en "ça coûtera combien ?).

Dans un cas comme dans l'autre, il n'est pas demandé si la dite action apportera un bonheur réel ou une aide quelconque en termes de joie de vivre. On va encore m'accuser de mesquinerie : je conserve le souvenir écoeuré des toutes ces femmes et enfants qui moururent de "l'aide" reçue.

 

 

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