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La Philosophie d'Alan Watts
2 mars 2014

Psychothérapie Orientale et Occidentale - 00

Présentation

Ce livre n'est pas exactement un livre charnière mais plutôt quelque chose comme la fin de course d'un pivotement amorcé en 1956/publié 1957, lorsqu'il écrivit The Way of Zen (traduit improprement par Bouddhisme zen ; « Taoïsme chan » aurait aussi bien convenu, cependant qu'à vouloir à tout prix ne jamais traduire littéralement, The Spirit of Zen correctement traduit par L'esprit du Zen, aurait supporté sans dommage d'être rendu par « Le Bouddhisme zen japonais »).

Après Psychotherapy East and West, 1961, on peut dire qu'Alan Watts est définitivement devenu un Taoïste philosophe. Je dis bien un « taoïste philosophe » et non pas un « philosophe taoïste », fut-il d'Occident. Ceci afin de bien souligner qu'il est taoïste d'abord, s'exprimant dans un style philosophique ensuite, tel Li Bo (701-762) exprimant par la poésie la voie qu'il emprunte pour marcher – tout imbibé de nature, d'amitié et de vin ; ou, pour le dire d'autre façon : l'éternel dans les aléas de son existence mortelle.

 

Et, puisqu'il est question de poésie, et faire pendant à Ryôkan, je voudrais citer Baudelaire :

« Notre âme (…)

« crie:
«Amour... gloire... bonheur!» Enfer! c'est un écueil!

« Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
« Est un Eldorado promis par le Destin;
« L'Imagination qui dresse son orgie
« Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.

« Ô le pauvre amoureux des pays chimériques! »

(2ieme partie, sur 8, du poème Le Voyage, de Charles Baudelaire.)

… le sens de l'Histoire occidentale comme Chimère !

La disparition de la conscience de l'ego séparé par la disparition de ses objets (ou la prise de conscience de leurs caractères illusoires), comme synonyme de « moyen » de l’Éveil et/ou Libération, est l'idée de Ryokan. La déception engendrée par l'idée de Progrès historique, celle de Baudelaire.

Voilà pour le cadre métaphysique, qui se dit souvent bien mieux par le poète que par le philosophe ou le théologien.

Pour ce qui est du psychologique, dès sa préface Alan Watts se demande si longtemps encore « ...l'étude d'une prétendue psyché pourra encore faire partie de la science. » compte tenu de l'évolution des sciences humaines depuis les débuts du XX° siècle.

Voyons quelques jalons que nous retrouverons en cours de lecture du texte :

– la toute première paraît bien être qu'il existe deux manières différentes d'envisager la « Psychologie »

– une psychologie A, comme science citadine plus que rurale (corrélativement, le pouvoir homéostasique, donc thérapeutique, qu'une vie en symbiose avec son environnement naturel renforce – quoiqu'il faille sans attendre souligner que vivre au milieu de moustiques, serpents vénéneux, etc. ne soit pas particulièrement un gage de santé. Ce qui implique la nécessité d'une adéquation synergique de l'organisme humain à son environnement, et réciproquement ! Cette réciproque pouvant être l’œuvre de l'action humaine, qui pose du même coup la question de savoir s'il vaut mieux vivre dans la jungle, les fumées industrielles ou dans l'Océanie des tableaux de Gauguin.)

et

– la psychologie B – comme aisance d'être, ou « épanouissement de soi », bonne santé tant physique que mentale, etc. (corrélativement, la possibilité d'une affection morbide, - d'un désaccord entre soi et son environnement donc de la nécessité d'un « soin » thérapeutique) quel que soit les lieux, temps, fonctions, espaces.

– que dans l'usage de l'expression « potentiel humain », il faut entendre « animal et divin » ; que le refoulement et/ou la répression est aussi dommageable dans la part spirituelle de l'être humain que dans sa part sexuelle et/ou animale.

– que toute approche systémique de l'humain devrait logiquement inclure cette animalité et cette « divinité » et/ou spiritualité de l'humanité.

Je ne produis cette énumération qu'afin d'affirmer que nous ne sommes nullement condamnés à une image de L'Homme Unidimensionnel, dont l'ouvrage du même titre de Herbert Marcuse paru en 1964, trois ans après Psycho..., etc. ou à une vie dans la crainte de l'Inquisition normalisatrice des Adorateurs du Veau d'Or.

– car cette inquisition exista dans les années soixante en Europe, particulièrement en France pays de la Raison cartésienne : elle s'attaqua (usant d'actions psychologiques et psychosociologiques spécifiques) à la maladie du Paternalisme ; laquelle consiste à penser qu'un patron, une direction d'entreprise, etc. ont une responsabilité éthique quasi familiale, à l'endroit des ouvriers, employés et collaborateurs beaucoup plus importante que le chiffre d'affaire ; et que la mise en chômage de ceux là même qui ont permis les heures de bonne fortune est une indignité. (Watts pensait que l'homme devrait être payé pour le travail qu'une machine fait à sa place.)

– Nous aurons probablement à poser la question : l'ésotérisme, une initiation ; mais à quoi ? Et d'y répondre : la liberté de l'esprit, tel le passeur de Zhuangzi, manœuvrant tel un dieu ou le nageur qui oublie l'existence de l'eau « même sans avoir vu un bateau » (Les philosophes taoïstes, La Pléiade, T I, p 223), dont Jean Levi, dans ses Propos intempestifs Allia, p 79) qu' « Il l'oublie parce-qu'il y baigne comme dans son élément naturel. Oublier le milieu, s'oublier soi-même et ne plus voir son moi agissant, tel est l'impératif d'une vie pleine et libre selon Tchouang-tseu. »



Nous verrons bien où nous mènera la relecture de Psychothérapie Orientale et Occidentale.

Ryokan, en hommage à Zhuangzi, écrivit ce poème :

     « Ce qui est approuvé hier,

     On le nie aujourd'hui. (…)

     L'idiot s'accroche à son pilier

     Et, où que ce soit, il ne voit que différences.

     Le sage sage atteint leur source,

     Promène sa pensée et passe son temps.

     Qui ne reconnaît ni connaissance ni ignorance,

On peut l'appeler alors l'enfant possédant la Voie. »

(Ryôkan moine zen, par Mitchiko Ishigami-lagolnitzer, CNRS Éditions, p 107)



En 1960, lorsque Alan Watts signe Psychothérapie orientale et occidentale depuis sa maison des Monts Tamalpais, il est heureux et libre. Il y connaît le bonheur depuis quelques années, libre de toute contrainte institutionnelle et financière, pourvu d'une audience bien plus grande que celle à laquelle il s'attendait. Il a trouvé en Mary Jane (dite Maryjo) l'épouse qu'il cherchait dans toutes les autres femmes. Il est heureux sur tous les plans.

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