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La Philosophie d'Alan Watts
30 août 2015

Devoir de Vacances 07

Avec Gary Snyder

(Petite parenthèse liminaire : Épicurisme, hédonisme et stoïcisme ont un point commun : la préférence d'obéir à la nature, accompagnée éventuellement d'une révolte à l'égard de toute intervention institutionnelle, donc sociale, qu'elle soit politique, philosophique ou religieuse. Ce sont, en somme quoique à nuancer, trois "ascèses" et "religions" de la Nature. Trois manières d'être refusant toute idée de "normalité sociale", de conformité politique, de toute image d'homme "standard" – psychologiquement sain – qu'agréent seules les exigences économiques. Les théologies ou "para-théologies" de la plupart des religions justifient le meurtre du Prince, si celui-ci vient à désobéir d'évidence à la Nature. Ce qu'il y a de diabolique dans la totalité des terrorismes divers qui sévissent actuellement de par notre planète, c'est qu'ils ne font aucun mal aux "décideurs", au contraire, mais à des innocents sans défense ou aux biens de ceux-ci. Les terroristes sont pires que des hyènes – les pires des pires fauves en cruauté et gratuité de tuerie, jusqu'à ce H.et J. Lawick Goodall ne viennent les déclarer « innocents » de cette accusation courante. Inversement, je n'ai pas entendu dire, ni pu lire, que les responsables de Tchernobyl ou de Fukushima ait été fusillés. Je conserve un petit espoir pour ceux de Tianjin… )

Nota : Je suis pacifiste, mais réaliste ; et, devant un fauve en comportement1 d'attaque, je ne vois aucune autre solution que de tirer vite et au but. Ce n'est pas "hors-sujet"2. La spiritualité, la religion, le satori, et l'éveil ne sont pas des contes de fée pour s'endormir le soir, séparés des « dures réalités de la vie » ; et ces « dures réalités » sont que, psychologiquement aussi bien que métaphysiquement, nous vivons en société autant qu'en nature. Qu'une distorsion, et puis une coupure se soient produites entre nature et culture, ce sont des faits. Ce sont des faits qui, dit-on, caractérisent l'Age Sombre, le Kali-Yuga, le temps de la destruction. Les esprits modernistes, scientistes et laïcistes s'en gaussent. (Ce qui est bien normal. Mais alors, pourquoi donc les scientifiques préparent-ils, le plus ouvertement du monde, une migration massive des terriens vers d'autres systèmes solaires?)

Tous les fantasmes et spéculations sont permis, mais il n'en demeure pas moins que la Voie, l’Éveil, Satori, kensho, jiànxìng, et tutti quanti ne sont pas supposés servir au déni de la réalité quotidienne, laquelle ne peut éviter une prise en compte du divorce de la Nature et de la Société, et aussi, intrinsèquement de celui d'un esprit humain devenu egolâtre et de l'Esprit cosmique (qu'on l'appelle Saint Esprit, Qi, Prana, Pneuma, ou autres dénominations). Il s'ensuit tout aussi naturellement que l'Or mystique le plus précieux continue de se cacher dans la boue et/ou au milieu d'amas en mica. Par les temps qui courent, le mica le plus pernicieux étant la publicité consumériste (à commencer par la propagande religieuse ou sectaire, bien sûr, bien sûr ! Nul ne peut avoir tout le temps tort, et au plan « bourrage de crane par les croyances religieuses » les laïcistes ne sont vraiment pas loin du tout d'avoir raison).

&

Mais ! Bon ! Pour revenir à des auteurs que j'ai qualifiés de « décapants », nous avons aussi, par exemple, un Gary Snyder et J. van de Wetering. Ce dernier, nous verrons plus tard. Pour Gary Snyder, je mentionnerai ce passage3 :

Le respect envers tous les êtres vivants fait clairement partie de [la] tradition. J'ai ainsi enseigné à d'autres comment méditer pour pénétrer les étendues sauvages de l'esprit. Comme je le suggère dans l'un de ces essais, le langage lui-même est finalement un système sauvage. (...)
Le Sauvage, synonyme dans la civilisation occidentale de sauvagerie et de chaos, est, d'une façon impartiale et implacable, fondamentalement libre dans sa beauté formelle. Et son expression - la richesse de la vie animale et végétale (non compris) sur le globe, les pluies torrentielles, les vents violents et les calmes matinées de printemps, la courbe d'un météore traversant l'obscurité - est la réalité authentique de ce monde auquel nous appartenons.

(Préface à l’Édition française de La Pratique Sauvage, par Gary Snyder, Essais en liberté pour une nouvelle écologie, Éditions du Rocher)

Sachons nous accepter tous égaux et habitants de la même terre. Abandonnons tout espoir d'éternité et arrêtons de lutter contre la saleté qu'elle qu'elle soit. On peut chasser les moustiques, se protéger de la vermine sans pour cela éprouver de la haine. N'attendons rien, soyons alertes et autonomes, attentifs et reconnaissants, généreux et directs. Calme et clarté sont au rendez-vous quand nous nous lavons les mains salies par le travail et que nous jetons un coup d’œil furtif vers les nuages qui traversent le ciel. S'asseoir pour prendre un café avec un ami, voilà une autre joie toute simple. L'espace sauvage nous demande d'apprendre à connaître le terrain, de saluer plantes, animaux terrestres et oiseaux du ciel, de franchir crêtes et rivières, pour ensuite raconter une bonne histoire de retour à la maison.
(…) Voici la portée ultime du mot "sauvage" dans son sens ésotérique le plus profond et le plus angoissant. Ceux qui sont prêts pour l'aventure y parviendront. Mais surtout, s'il vous plaît, ne le répétez à personne!  (extrait)

Alan Watts affirmait que Gary Snyder est ce que lui-même dit ; et que son grand regret est de ne pouvoir le déclarer officiellement comme son disciple, tout simplement parce-qu'il a tracé sa voie par ses propres moyens...

De les lire, ou de lire des articles sur leurs relations, j'ai rapidement retiré l'impression d'une très chaleureuse mais pudique amitié, bordée d'un profond respect mutuel. Une relation d'une qualité finalement assez rare.

1Quiconque s'intéresse à la vie animale sait que la plupart des animaux dangereux passent par une phase de menace avant d'attaquer, mais aussi qu'une attaque déclenchée ne peut être interrompue. La compréhension (& comportement adapté en découlant) peut stopper une menace, pas une attaque. Je rappelle les réactions atterrées d'Alan Watts et de son Maître D. Mitrienovic lorsqu'ils constatèrent la passivité de l'Europe face à la menace nazie, alors qu'elle n'était encore qu'une menace.

2Si j'en crois les réactions au fameux « Zen en guerre », ou, voici quelques mois, une réaction sidérante d'une personne s'étonnant qu'un viol collectif puisse se produire en Inde.

3Dont on peut trouver de plus larges extraits dans

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24 août 2015

Devoir de Vacances 06

(petits et grands satoris)

chinois :wù – satori et jiànxìng voir la nature 

nota : le premier caractère de et dexìng est (le « cœur-esprit ») lorsqu'il s'accole à un autre caractère ; par « insinuation » plus que réelle analyse ou explication sémantique, on peut donc suggérer que le wù – (jap.)satori signifie un moment, ou une durée, au cours desquels le cœur-esprit s'unit au langage, en somme que « le mot et la chose » ne sont plus qu'Un ; que jiànxìng (kensho en japonais) est l'esprit humain qui devient, momentanément, durablement ou pour toujours une Conscience Cosmique. (Dans cet optique, la question de savoir s'il s'agit d'une extase ou d'une enstase en devient superfétatoire.)

 

Ma réflexion passe du coq à l’âne ; mais, elle reste dans la même cour de ferme, qui cultive et élève et/ou approfondit jusqu'à la Libération. Cultiver, en parlant de Libération, peut surprendre ; du moins, renvoyé à consumarisme et Contre-Culture

Que cette idée me vienne de Kœstler, de Watts, de Desjardins ou autres – qui sont nombreux, le schéma de la Voie, en tant que cheminement, me paraît TOUJOURS s'effectuer en quatre étapes + une, lesquelles sont susceptibles d'être interprétées au plan psychologique, auquel cas, selon moi, on érige une barrière à la transcendance. Pour moi, j'insiste sur cette subjectivité , tout auteur & explication qui se montrent « décapants » à cet égard est bon à prendre. Quatre étapes au sens où « marcher » signifie 1- lancer un pied vers l'avant en pliant le genou 2- le reposer par terre 3- faire immédiatement de même avec l'autre pied pour éviter de rouler par terre 4- continuer (ou s'arrêter). Mais, comme chacun sait ces 4 étapes s'appellent « marcher », et donc 1, 2, 3 et 4 s'appellent aussi « marcher ». Quand on sait marcher, on sait marcher, soudainement et pour toujours ! Mais, une qu'on sait marcher, il est encore une longue marche à effectuer...

Ceci dit, le grand Huineng lui-même, qui « pigea le truc » du premier coup alors qu'il était jeune, inexpérimenté et inculte, mit une quinzaine d'années retiré en forêt avant de se décider à transmettre sa « marche », sachant intuitivement le célèbre quatrain du Chan/Zen, que voici :

Le fondement de la Méthode, c'est son inexistence ;

Cette méthode sans méthode est encore une méthode.

Voilà qu'on me confie l'absence de méthode :

De toutes les méthodes, laquelle est la Méthode1 ?).

Il ressort des alinéas précédents que nous abordons la question du graduel et du subit, au prétexte de la violence de toute épiphanie (ou hiérophanie, dirait Mircéa Eliade). Mais cette violence, où ? En 1, en 2, en 3, en 4 ?

Pour mémoire, le graduel est attaché au moine Shenxiu et relève de la psychologie, cependant que le subit (ou déclaré tel) est attaché à Huineng. Il est piquant de rappeler que le grand propagandiste du subitisme est un certain Shenhui, qui crut bon d'y adjoindre des considérations politico-militaires, donc du « social », donc du « psychologique ». J'ai toujours suspecté Shenhui d'être un mélange chinois de Fénelon et de Richelieu. Je ne m'aventurerais pas néanmoins sur ce terrain, car sur Richelieu ma culture se limite à ce qu'en disent Les trois mousquetaires. (Pour aller plus loin, voir Quiétisme, dans Wikipédia, et en rapport avec les lignes précédentes de ce billet, le paragraphe sur Guénon :

« Mais il y a quelque chose de plus curieux ; c'est que la mentalité « laïque » des modernes retourne volontiers cette même accusation de quiétisme contre la religion elle-même, en l'étendant indûment, non seulement à tous les mystiques, y compris les plus orthodoxes d'entre eux, mais encore aux religieux appartenant aux Ordres contemplatifs, qui d'ailleurs sont tous indistinctement « mystiques » à ses yeux, bien qu'ils ne le soient pourtant pas nécessairement en réalité ; il en est même qui poussent la confusion encore plus loin, allant jusqu'à identifier purement et simplement mysticisme et religion. »)

PS- Psycho paraîtaux USA alors que naissent les premiers enfants-fleurs, et le quiétisme des hippies, que dévoieront rapidement les mauvais coups conjugués de la pègre et du F.B.I. Le XX° siècle a pris la mauvaise habitude d'attaquer d'abord, de déclarer la guerre ensuite. En matière sociétale, la bonne habitude serait justement de faire la paix avec soi-même, son voisin, toute étrangeté/différence nationale, culturelle, folklorique ou ethnique admise et respectée . La chose faite, une bonne déclaration de paix mondiale, en bonne et due forme, pourrait ensuite être signée. Et, mais il va sans dire ;-) qu'il conviendrait :- < de rétablir l'échafaud pour les récalcitrants :-( … !!!

PPS- Pour jargonner qu'un arbre se reconnaît à ses fruits, disons que toute métacognition contemplative ne vaut qu'en ce qu'elle perdure au-delà de son insight hiérophanique initial et/ou « initiant » !!!

PPPS- J'allais l'oublier : le « +une » ; c'est qu'il y ait quelqu'un n'importe qui2 pour le constater (que la transformation personnelle est inscrite dans la durée).

1Le Soûtra de l'Estrade du Sixième Patriarche Houei-neng, de Fa-hai, traduction Patrick Carré, Point Sa99, 1995

2Que ce soit "n'importe qui" de préférence à une "personne autorisée" vaut mieux ; cela évite toute ingérence idéologique ou d'intérèt partisan.   

7 août 2015

Devoir de Vacances 05

J'aime beaucoup Arthur Kœstler, dont diverses études, analyses et assertions se rapprochent de près de celles d'Alan Watts. A la différence de ce dernier, Kœstler n'hésitait pas à aller mettre les mains de le cambouis, les scories et souvent détritus de nos sociétés modernes. La convergence des vues n'en a que plus de prix. Ils seront d'ailleurs jetés l'un et l'autre dans le même panier par les tenants du « square zen ». Il est vrai qu'affirmer que le « concept d'éveil est merveilleusement somnifère » est un brin provocateur… (Puis-je m'éviter de souligner qu'effectivement il importe de savoir si on cherche l'exactitude conceptuelle ou la réalité existentielle & expérientielle de la chose?) Satori, which is a burst of insight that leads to awakening and maga, the state in which the activy self ans the self-observing self become one and « mysterious 'it' has take charge, nous dit-il. Le sommet d'une prise de conscience qui conduit à l'éveil et l'absence de 'je'1, l'état dans lequel l'agent de l'action et la conscience de soi deviennent Un et qu'un mystérieux 'cela' prend place. (En fait, ces définitions approximatives renvoient aux caractères 無 我 無心 lesquels -assemblés ainsi- se traduisent aussi bien par « Sans je plus d'esprit » que par « Sans je ni esprit » mais aussi (aurais-je pu m'éviter cette facétie :) « Sans ego, plus d'ergo sum », sinon « sans ergo sum, plus d'ego »… pardi !). Ce qui ailleurs fait ajouter à Kœstler que Éros et Thanatos s'équivalent en ce qu'ils sont tous deux un profond désir de retour à l'organique plutôt qu'un superficiel principe de plaisir ou d'autodestruction de « soi ».

Concrètement, cela veut dire que lorsque vous baissez « instinctivement » la tête pour éviter un jet de pierre bien ajusté, vous êtes dans la plénitude de l'état dit « sans ego », de satori, etc. Rien de moins, mais -malheureusement pour notre fierté humaine- peut-être aussi rien de plus !

PS Naguère, un jeune moine o.s.b (=bénédictin) me déclara qu'il admirait le respect que les bouddhistes peuvent avoir pour le moindre brin d'herbe, mais qu'il était rebuté de les voir ne pas mieux respecter l’âme humaine que celle d'un brin d'herbe ! (On remarquera, une fois de plus, la terreur chrétienne face au « danger » du panthéisme.)

 

 

1Je rends maga par 'absence de je', tout simplement parce que s'identifier à son 'je' revient à s'identifier à son identité sociale, laquelle provient donc de la société - et de l'éducation qu'elle donne, tant au plan émotionnel que professionnel ou « culturel »!

2 août 2015

Devoir de Vacances 04

Alan Watts dit textuellement (Psycho, p 106) que « l'équivalent occidental de la réincarnation est représenté par notre obsession de l'histoire, cette recherche du temps perdu dans l'avenir, cette vaine tentative de progresser vers un avenir satisfaisant grâce à la logique d'un passé appauvri. Car l'histoire est « l'enregistrement de la frustration », et ses premières sources sont les monuments où les hommes ont commencé, selon la phrase d'Unamuno, à mettre leurs morts en réserve. L'histoire est le refus de « laisser les morts ensevelir leurs morts ». L'histoire, ou mieux : l'historicisme, est une thésaurisation chronique de détritus, amassés dans l'espoir qu'ils pourront un jour « servir ». C'est un état d'esprit pour lequel l'enregistrement de ce que l'on fait devient plus important que ce qu'on fait, et qui réserve de moins en moins de place à l'action à cause de la place de plus en plus importante qui est faite aux résultats de l'action. C'est pourquoi la Bhagavad-Gîtâ décrit la libération comme une action qui ne s'attache pas à ses propres fruits, car lorsque la vie et la mort sont vécues complètement, elles se déroulent sans laisser de traces dans un éternel présent. »

Alan Watts (p 168) nous dit aussi que « la vie ne va nulle part, parce qu'elle est déjà là ».

A mon avis, cela n'implique pas une quelconque parousie, ni Bouddha de l'avenir pour la société ; il n'est pas logique que d'un état « mal » puisse sortir un état « bien »  : au plan métaphysique (et scientifique) l'avenir n'existe pas (les astronomes lisent notre passé, pas notre futur), au plan logique « un chien ne sera jamais le fils d'un chat ». Mais, il est vrai que d'un « bien peut sortir un mal » ou « qu'à tout malheur quelque chose est bon », car il s'agit d'un autre niveau sans rapport avec le temps ou la durée mais avec la paralysie mentale (psychologique) qui aliène notre comportement et/ou conduite (éthique) via le resserrement de perception que constitue l'identification (l'oubli du contexte, le refus d'une vue large de l'existence). La vie ne va nulle parce-qu'elle est déjà là, mais la quintessence de la vie est mouvement et élargissement… culminant dans la dilution finale de la mort. Éros et Thanatos1 marchent la main dans la main, tout comme la libération (de la répression) sexuelle va avec celle de la libération (de la répression) spirituelle.

La maladie mentale peut aussi bien provenir d'une « répression » spirituelle que d'un refoulement sexuel.

NOTA : La disparition/libération de la répression ou de l'oppression exercées sur une activité ou un comportement n'implique en rien la libération de cette activité et/ou comportement. La levée d'un interdit n'autorise nullement la capacité de l'exercice de son objet.

1Au sens utilisé par N.O. Brown, que cite Alan Watts dans Psycho.

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