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La Philosophie d'Alan Watts
27 mai 2016

Reprise Psy Or Occ - 02,2

Une large part de Psychothérapie se trouve déjà, à l’état embryonnaire, en 1940, dans Signification du Bonheur, clairement exprimée par son sous-titre « La Recherche de la liberté spirituelle dans la psychologie moderne et dans la sagesse de l’Orient. ».

 

Il est piquant et passionnant de mettre trois points en parallèles :

Sur la fin de Signification, Alan Watts cite St. Athanase1 : « Dieu s’est fait homme afin que l’homme puisse être fait Dieu. »

De 1939 à 1941, Watts côtoie fréquemment Sokei-an Sasaki, son second « maître zen », Ecole Linji/Rinzai, (le premier étant Chrismas Humphreys). Il ne peut ignorer que Sokei-an Sasaki (par ailleurs mari de Ruth Fuller Sasaki, belle-mère d’Alan Watts, pour son premier mariage) a écrit « qu’il n’y a pas de moi dans l’homme ni dans le dharma… C’est pourquoi ce qu’on appelle les deux sortes de non-moi signifie qu’il n’y a pas de moi en l’homme et pas de moi dans les choses. »

« Prétendue psyché » est l’expression utilisée en préface de Psychothérapie...2

 

L’avantage de Signification est sa simplicité, sa construction provenant d’un assemblage et d’une mise en forme de diverses conférences qu’il prononça à son arrivée aux USA, pour éviter de dépendre totalement de sa richissime belle-mère. Cela dit, une large part des thèmes de l’ensemble de son œuvre y sont présents : l’homme civilisé se croit divorcé de la nature, mais ce n’est que vaine prétention (p 263) car l’ego est une fonction et non un « soi », la véritable identité à la source de son petit « soi » étant infiniment plus profond et grand que celle de l’individu. Lequel demeure inconscient qu’en une seule cellule de lui-même se trouve tout l’univers. Son « âme » procède d’une seule et même énergie (p 266). LA religion n’est pas celle qui enferme dans les murs institutionnels, mais celle qui mène, amène et entraîne vers la liberté et le bonheur du royaume de Dieu, en nous, « microcosme d’un macrocosme », « par un acte de foi en son propre univers, lorsqu’il fait lever le soleil de son acception sur le mal et le bien qui sont en lui » (p 250).

Un an plus tard, les USA étant entré en guerre à la suite de l’attaque de Pearl Harbor, il n’est pas sûr que Signification aurait obtenu le même honorable succès. (Pendant la guerre, Alan Watts fit ses études de théologie. Sokei-an mourra dans un camp d’internement, l’influence de Ruth Fuller Sasaki n’y pourra pas grand-chose.)

 

Un autre avantage de Signification (par rapport à Psychothérapie) est son sérieux. N’ayant pas encore fait « le tour de la question », Alan Watts n’a pas encore à «contenir son envie de rire ». Il utilise bien des notions ésotériques, mais d’origine théosophique. Malheureusement, la difficulté « théosophique » provient du fait qu’à vouloir se centrer sur l’ésotérisme, elle a crée ipso facto un exotérisme nouveau (teinté de syncrétisme). Dans une première approche, on peut faire la même remarque à propos de Krishnamurti et de Chogyam Trungpa. Inversement, on peut constater qu’à vouloir tout démystifier (« exotériser », si je puis dire), on encourt le risque de devenir incapable de percevoir l’identique derrière ses formes multiples. Ou, corrélativement, par exemple, de percevoir qu’elle est le caractère exact du crime – métaphysique – dénoncé dans un texte tel que « Meurtre dans la cuisine » (contenu dans « Matières à réflexion »).

Nota : Ce dernier alinéa, car je viens de découvrir, avec une certaine tristesse, que le problème des conditions de l’élevage et de l’abattage des animaux est toujours d’actualité en France.

1Athanase d’Alexandrie (298-373), époque où l’on s’interrogeait sur la divinité du Fils de Dieu.

2« Prétendue psyché » peut être entendu au sens d’ahamkara (faux-moi, ou moi-qui-force-à-dire-je) ; ce qui renvoie aussi au yogacâra, lequel n’implique pas que tous nos objets de conscience sont faux, illusoires ou mystificateurs, mais seulement que notre conscience d’être un moi-je est une lunette d’observation dont les verres sont généralement embués ou rayés ou colorés, etc. C’est à ce « changement de lunettes » que fait allusion Alan Watts lorsqu’il dit que la part de nous-mêmes qui voudraient changer les choses est précisément celle qu’il faudrait changer !

3Dans la collection Médiations, chez Denoël-Gonthier.

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