Je n'ai pas reçu de validation, ni non plus d'invalidation, de la gare de Perpignan Centre Cosmique, mais, tout en sachant garder un cadre paranoïaque-critique & anarchiste anti-social, je dirai donc, ou redirai, que sans en être leurs disciples, je regarde Alan Watts comme mon Maître à philosopher et Arnaud Desjardins mon Maître à vivre ma voie… Quelles que puissent être les causes et conditions, interdépendances en tout genre, qui la font mienne. Qui la font mienne, sans que j'y sois pour grand-chose.
Être iconoclaste jusqu'à ses propres convictions, également – chaque fois que possible et supportable pour son mental – jusqu'au plus intime de ses expériences vécues (« spirituelles », ou pas d'ailleurs), est le meilleur antidote à la confusion de la croyance et de la Foi de Confiance1. Je ne pense pas généraliser ma propre expérience en mettant en garde à l'égard de la tentation d'étendre une expérience de Foi solidement vécue à la croyance qui (logiquement) va avec… Confondre Beyond Theology/Etre Dieu, invitation à l'expérience incarnée du divin et Two Hands of God/Les Deux Mains de Dieu, ensemble d'assertions métaphysiques sur la bipolarité du monde lui-même comme de nos attitudes ambivalentes de « moi au monde »… deux ouvrages qu'Alan Watts écrivit d'un même mouvement. (Diverses personnes ont malicieusement fait observer qu'Alan Watts, en plusieurs occasions, au lieu de publier un seul ouvrage divisé en Partie Une : théorie, et Partie Deux : pratique, publiaient deux ouvrages différents en sorte de toucher double droits d'auteur. Sans m'en faire l'avocat, je ne vois pas comment, la plupart du temps, Alan Watts aurait pu faire autrement. Je note du reste que ses préfaces sont quasi similaires, en ces occasions. Certains sujets ne peuvent être traités de la même manière, quand l'auteur autant que l'éditeur savent pertinemment qu'ils ne seront pas lu par un même public.)
Revenons au « faire sa voie », que nous y soyons guidés par la main du « Bon » Dieu ou par celle du « mauvais » Satan. Petite digression, si c'en est bien une : l'un des prête-nom du Diable et/ou Satan (non scripturaire et le plus récent, si j'ai bien compris) est Lucifer, qui s'accorde parfaitement à notre monde moderne (& post-industriel) → la tentation du brillant, du clinquant ; le « toc » pour attrape nigauds de la Consommation, qu'il s'agisse d'objets ou d'expériences trompeuses ou de ce « matérialisme » mal nommé, qui n'est que trompe l’œil. La voie de chacun ne peut s'exclure totalement de ce « mal » moderne, ni éviter de s'y faire, de faire avec, de faire sa voie avec Lucifer (du plus loin possible à mon avis, mais inévitablement avec). Il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes, mais il faut bien se dire aussi que la plupart de nos lumières proviennent de vessies.
A propos, n'est-ce pas Mao Zedong qui disait que la puissance occidentale n'est qu'un « tigre de papier »… version chinoise de « vessie » ?
(Dans la ligne de mon renvoi précédent à « La richesse et l'argent », qu'est-ce que cette économie luciférienne, qui promet de supprimer le chômage mais pas les suppressions d'emplois ? A ce jour, la seule explication serait que les banquiers et boursicoteurs ne sont pas d'accord!)
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Un point nécessitera des éclaircissements ultérieurs : l’insuffisance du refus de se plier à l'idéologie dominante pour parvenir à une modification de son état de conscience. Quels sont les moyens de libération (« thérapeutiques » ou « supra thérapeutiques ») pour y parvenir ? Dans mon roman, je note que Léopold S. Senghor utilise le terme de « surréel » pour qualifier ce qu'il est devenu d'usage courant d'appeler « spiritualité », sans qu'il s'agisse d'une référence directe à l'effet hypnotique des tambours africains, dans certains de leurs rythmes. Pas plus qu'il ne fait directement allusion au surréalisme (quoique le surréalisme trouva dans les cultures africaines une part de ses sujets d'inspiration.) Non plus à l'usage de drogues, bien qu'il n'y ait aucune culture traditionnelle qui omette son usage exceptionnel & initiatique, ponctuelle ou régulier.
La pratique du yoga, du zen, du Taiji etc. visent aussi une modification de la conscience en agissant sur l'attitude, la gestuelle et le mouvement du corps.
En résumé : affirmer que l'on est en désaccord (intellectuel, d'opinion intellectuel ou de refus émotionnel) avec la culture ambiante, l'idéologie dominante, etc. ne provoque aucune modification de conscience. Elle y invite et peut indirectement y conduire par un changement progressif de style de vie, mais nous sommes loin du Satori, d'une Illumination ou d'un puissant insight amenant un prise de conscience telle que cette dernière en soit modifiée.
Que dit Alan Watts sur cette question ?
La même chose, en substance, que la citation d'Aldous Huxley que j'aime utiliser : « Toute formule verbale – même une formule qui exprime correctement les faits – peut devenir, pour l'esprit qui la prend trop au sérieux et l'adore avec idolâtrie comme si elle était la réalité symbolisée par les mots, un obstacle sur la voie de l'expérience immédiate2. »
Aujourd'hui, je pondérerai en précisant bien que c'est l'esprit sachant, et/ou conscient, de faits qui ne doit pas se prendre trop au sérieux et non les faits eux-mêmes (ni l'état de conscience qu'on en a, lequel peut varier, peut-être même doit varier au long d'un cheminement).
En conséquence, en parallèle ou de façon concomitante – je ne sais trop quel mot convient, je crois qu'il faut se situer entre deux bords : une « culture livresque » des faits, du type « Qu'est-ce que le Zen ? Vas faire la vaisselle ! » (MAIS celui qui me dira que « ce n'est pas ça », ne fera que faire montre de culture livresque.) ET, d'autre part, la réalité vécue d'une érudition faisant obstacle à la culture vivante. Ce que je tente d'exprimer en pointant que « Notre-Dame de Paris » n'est pas seulement un bel édifice religieux de style gothique, cadre d'un roman de Victor Hugo et lieu d'une révélation pour Paul Claudel, etc. ; « Notre-Dame de Paris » est un cathédrale, située à Paris, où le public est admis. Il peut visiter ; il peut même y aller à la messe ! Inspiré des réflexions sur l'Art d'André Malraux, il peut même en ressortir en ayant appris qu'elle témoigne de la « conversion des chrétiens au Christianisme », la Cathédrale s'étant élevée du milieu du XII au milieu du XIVième siècle.
Affirmer que Notre-Dame de Paris est bel et bien à Paris, située à l'est de l’Île St. Louis, recouvre au moins deux sens, d'un symbole qui peut être réellement connu, comme chose & expérience personnelle ; d'un livre de pierre, qui raconte le passage triomphant à la suprématie du politique sur le religieux. Le rappeler nous ramène à l'ésotérisme d'un état d’Être à une identité socio-religieuse de chrétien. Et, logiquement, nous renvoie à la question de notre identité personnelle (intérieure) comme à celle de ses multiples identités culturelles régionales, linguistiques, politiques. Suis-je terrien, européen, français, basque, breton, corse ? Question très aisément transposable à chaque continents…
En spiritualité, on peut aisément vérifier comme une nouvelle réaffirmation du principe3 « Le message, c'est le médium ». Quand tel instigateur d'un courant, abusivement -parfois- qualifié de lignée, traite de son expérience Zen, en Chine, en Corée, en Inde4, aux USA ou au Japon, transmet-il une expérience spirituelle proposée en partage ou la communication de données culturelles chinoises, coréennes, etc. ? (Une fois de plus posée, la question de l'esprit et de la lettre, dont message-médium n'est que l'application technologique. On notera aussi que là où Mac Luhan parle de « village planétaire » des philosophes chinois contemporains disent « jardin planétaire », privilégiant « l'organique » esthétiquement ordonné mais ouvert aux aléas écologiques sur « le construit », de maisons fonctionnellement ordonnées à la protection contre les intempéries… et les gangsters !
Post-scriptum : Je rappelle que mes « billets » sont réellement des brouillons, des notes en vue d'un ouvrage que j'espère réellement écrire un jour. Il revient à ses visiteurs de les utiliser à ses propres fins, dans l'agencement (mental) de sa propre philosophie, en (pratique de) sa propre voie.