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La Philosophie d'Alan Watts

14 août 2013

Devoirs de Vacances (2/3)

Devoirs (& amusements) de vacances

« Le spirituel » (et non La spiritualité)...

Je l'ai écrit sans préméditation, probablement dans un souci latent de ne pas être démoli par le bon sens : Le même bon sens faisant de la sueur chaude un aphrodisiaque et de la sueur refroidie un répulsif...

J'ai songé à spirituologie ; le terme trouverait ainsi son pendant physique dans la physiologie et mental dans la psychologie. La métaphysique en deviendrait l'écologie et l'éthique – l’œcuménisme mondial (tant commercial que religieux). Et, peut-être bien notre besoin d'un minimum de foi de croyance, ce minimum pourrait-il se dire mytho-poïetique. Et, au fond, je me serais pas tellement que ça éloigné du sens du terme : psychologie venant de psukhê (âme) et Pneuma (littéralement Souffle) réservé à la philosophie de l'Esprit 'spirituel' ou, en théologie, à une réflexion sur le Saint-Esprit comme moyen de transmission du divin créateur (par le Père) et par l'Incarnation du Fils. (La particularité de la conception de la Grâce divine selon Alan Watts est qu'il n'y a aucune raison pour que l'Incarnation (l'envers de la déification) soit réservé au ''fils du patron''.

Schéma caricatural : le Fils de Dieu s'Incarne et nous, - ses frères et sœurs en humanité -, nous nous Déifions. Ceux qu'il nommaient les « dieux personnels » du monothéisme comme les « dieux comédiens » du polythéisme. Et aussi le « dieu impersonnel » du taoïsme par l'expérience de sa Grâce tout aussi « impersonnel » et naturelle qu'est le QI (t'si, ou Ki). Mais, laissons-les de côté pour le moment... comme Avalokiteshvara aux mille bras comme expression de la « grâce » du Bouddha.

Bien entendu, je pars du principe que mon visiteur est d'accord avec moi au sujet de la Sémantique général sur ce point précis : le mot n'est pas la chose, mais il peut être des choses uniques qui reçoivent des nom multiples (voire pas de nom du tout, mais ne compliquons pas). Et, pour ma part, mon devoir de vacances porte sur l'examen de la relation de la sudation et de la spiritualisation des consciences, d'accord ?

 

La planétarisation des consciences comme humanisme1 du XXI° siècle ; le premier effort portant prioritairement sur un fort souci d’œcuménisme entre l'humanisme athée et l'humanisme déiste, panthéiste ou polythéisme, sans oublier mon Seigneur et ses créatures que nous devons beaucoup remercier pour Sa Croissance (notamment celle de l'industrie cosmétique qui nous protège de la sudation intempestive) :
« Merci Seigneur pour toutes ces êtres humains, que je vais pouvoir manipuler et dominer grâce à la science sociale et politique,

« Merci Seigneur de nous apprendre les moyens technologiques de nous passer du Soleil, de dépasser la Lune et de partir à la conquête des étoiles,

«... le vent qui nous a permis de conquérir les Amériques, transporter les esclaves, remonter les fleuves d'Asie en crachant le feu de nos canons

« ...le feu de Hiroshima et celui du napalm

« ...la Terre dont nous vampirisons l’Énergie et dont nous gâtons les fruits de nos diverses prouesses chimiques, etc. etc. etc. litanies d'un infini Miserere !

Ou bien, s'il nous reste un choix... Louange de mon cœur à Celui de Dieu (seul, plusieurs ou impersonnel) !

mon Seigneur, avec toutes tes créatures, monsieur frère Soleil, (lequel est le jour, et par lui tu nous illumines. et il est beau et rayonnant avec grande splendeur, de toi, Très-Haut, il porte la signification), sœur Lune et les étoiles, frère Vent, sœur Eau, frère feu, sœur notre mère Terre, (laquelle nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe) comme disait François d'Assise.

Un mystique soufi d'Afrique noire pose en substance la question :

doit-on déclarer fou ce St. François d'Assise en ce qu'il dérange la mondialisation économique et les lois de la compétition & cotation boursières ?

Mais le seul réel intérêt de spirituologie serait d'affirmer qu'il y a des discours jusque ce domaine spirituel, et puis un langage du Silence et du Mystère... On pourrait ainsi distinguer (au titre d'adaptation d'une paire de jumelles à sa propre vue) le/les discours sur l'Esprit et tous ses risques d'attrape-nigauds et de toutes les vulgarités de l'esprit (mental) partiel et partisan.

La philosophie est largement devenue un jeu de mots dont il importe d'en comprendre les règles afin de mieux les déjouer... Tout comme la langue de bois en politique, dont tout l'art consiste dans la capacité de dire des choses fort intéressantes sans jamais répondre précisément à des questions aussi simples que « Quelle heure est-il ? »2.

Car cette splendeur solaire qui porterait la signification du divin pourrait peut-être s'aller chercher (et trouvée) dans ce qu'en dit Gary Snyder : « Mon propre chemin relève d'une sorte de bouddhisme authentique dont les racines plongent naturellement dans les pratiques animistes et chamanistes. Le respect envers tous les êtres vivants fait clairement partie de cette tradition. J'ai ainsi enseigné à d'autres comment méditer pour pénétrer les étendues sauvages de l'esprit. Comme je le suggère dans l'un de ces essais, le langage lui-même est finalement un système sauvage. (…) Le Sauvage, synonyme dans la civilisation occidentale de sauvagerie et de chaos, est, d'une façon impartiale et implacable, fondamentalement libre dans sa beauté formelle. Et son expression - la richesse de la vie animale et végétale (non compris) sur le globe, les pluies torrentielles, les vents violents et les calmes matinées de printemps, la courbe d'un météore traversant l'obscurité - est la réalité authentique de ce monde auquel nous appartenons. »3

Sans le dire explicitement, Gary Snyder renvoit ainsi à la notion de

QI – (prononcer t'si) ou de Shen lequel ressemble à   ou , qui désigne le Chan/Zen.

me semble-t-il, tout simplement parce-que ces deux notions chinoises (& japonaises) sont les plus proches de spiritus. (Pour l'Inde, prana ou soma)

Au plan pratique, il resterait à démonter le mécanisme d'une sueur érotique dans un cas et répulsive dans l'autre, presque aussi ambiguë que l'immobilité du mouvement ou le mouvement centré dans son immobilité : le moyeu évidé de la roue du karma universel, si le mentionner ne nous renvoyait à la métaphysique alors que le point de départ de ma note est physiologique. A ceci près que l'image de moi-je (ahamkar) que m'a renvoyée le miroir de ma salle de bain entrant dans le cadre de la ''représentation de soi'' et que l'idée de séduction entre dans le cadre d'une relation (amoureuse ou de conquête sexuelle) nous sommes en pleine psycho-logie et plus du tout en physio-logie. N'est-ce pas Alan Watts lui-même qui remarqua qu'il ne faut pas se tromper sur le sens des mots : Moi-je pue et vous, vous sentez !? Bon ! D'accord ! Il n'est peut-être pas très pertinent, lorsqu'on se trouve en situation amoureuse, de consulter son glossaire de métaphysique ou de physiologie de la sudation ; le loisir de prendre une douche ensemble avec son partenaire demeure bien plus approprié... A défaut, plonger dans une rivière (du moins si vous la savez de source sûre pas trop polluée – le jeu de mots est involontaire)...

Évidemment, tout ça n'est pas très poli. Il est même franchement inconvenant d'entrer dans un pièce en affirmant catégoriquement : « Holà ! Ça pue ici, je le sens. »

Il est permis de dire que l’Éveillé bouffe et chie comme tout le monde, que c'est un homme ordinaire. Mais seulement quand on veut faire le malin dans une assemblée de doctes personnes qui sont des gens du Chan/Zen. A ma connaissance, s'il est irrespectueux de dire que Jésus-Christ urinait et déféquait, voire baisait comme tout le monde, ce n'est pas hérétique (sauf, bien sûr, par rapport à la notion de son Ascension... en son corps glorieux... son Être lui-même débarrassé de son enveloppe charnelle. L'idée d'enfançon taoïste s'en rapproche. (Le corps spirituel ayant atteint les limites du corps charnel s'en affranchit et ''s'en va voler aussi haut que les grues sauvages dans le ciel...'')

Mais, à franchement parler, je dois avouer que – pour ma part – je ne sais trop où j'en suis de mon incarnation et de mon ascension. Ce qui est sans doute préférable à tous points de vue du reste.... Le savoir risquant soit de me décourager soit de m'infatuer et de me renfermer dans la boite à malice de l'égocentrisme...

Pour en rajouter dans le jeu de mots : la sudation est une homéostasie quant au corps humain et une autopoïèse quant à la personne du séducteur (ou de la séductrice, il va tellement sans dire que je me demande pourquoi je le dis).

« Il n’y a ni victoire, ni défaite dans le cycle de la nature… Il y a simplement le mouvement de la vie » dit P. Coelho4

= =

Chacun pour soi peut ainsi se demander : vivons-nous pour ainsi dire à la périphérie de nous-mêmes, recevant tous les chocs et cahots de notre existence bien terrestre, et incarnée ? Vivons-nous imperturbablement centré dans l'axe de notre vie ? Constatons-nous un rapprochement de l'axe de notre vie, du moyeu de nos actions (stimulées de notre Désir ou de la situation qui « poussent à la roue ») ou dans la dispersion centrifuge de nos énergies ?

Ce serait une manière d'introduire l'inséparabilité de la contemplation et de l'action... laquelle nous rapprocherait de la spiritualité entendu comme Libération de soi. (Nous en sommes d'accord, n'est-ce pas ? => libération de la prison qu'est soi-même et point du tout libération de l'ego par rapport aux aléas de l'existence. Le « moi » spirituellement libéré de son moi-je/ego n'est plus affecté par les contingences quotidiennes. (Dire que le Chan/Zen consiste, notamment, à porter Attention aux choses ordinaires de la vie quotidienne n'implique pas d'en être affecté ; l'Attention à l'instant présent5 est d'ailleurs, par elle-même, une sorte de ''libération conditionnelle'' des réactions émotionnelles.)

1On notera que mon billet comporte beaucoup de suffixes en 'ition' et en 'isme' ou 'iste'. Simplifions, autrement dit par esprit de simplification, disons que les premiers sont des constatations et les seconds des prises de position, voire une militance de désirs idéologiques tels le communisme ou le fascisme ou le catholicisme, bouddhisme, voire spiritualisme, végétarisme ou automobilisme... au hasard ! Mais, n'allons pas trop loin, et ne confondons pas jugement de valeurs, grammaire et métaphysique (même si tout étant illusoire, l'agencement de mots illusoires en discours logiques sur des phénomènes grammaticaux ne saurait désigner, référer ou signifier... je ne sais quoi).

2Je me suis laissé dire que dans tel ou tel parti britannique, l'épreuve pour accéder à une responsabilité de militant est de parvenir à intéresser un auditoire pendant ¼ h en réponse à la question « Quelle heure est-il ? » sans jamais la donner.

3Préface de Gary Snyder à l'édition française de son ouvrage La pratique sauvage.

4Je n'ai rien lu de cet auteur, mais une correspondante m'a fait remarquer que certaines de mes assertions ressemblent fort aux miennes. Je me suis donc informé. Il semble, en effet, qu'il soit une sorte d'Alan Watts d'Amérique du Sud. Une chose est certaine : Coelho est aussi in-orthodoxe que Watts, et à braver la lettre il se peut qu'il ne fasse rien d'autre que d'en insuffler l'esprit...

5Instant présent qui n'implique en rien une identification de sa conscience au stimuli du moment : si vous êtes dans le silence d'un dojo et que retentit le gong, il envahit la totalité de la conscience, mais vous pouvez être face à vaste panorama, ayant mal aux pieds alors que deux libellules bleus dansent ensemble un indéchiffrable ballet. Et, cet « instant » = mal aux pieds+sensation esthétique global+ce ballet de libellules bleus. Si l'envie louable d'en écrire un poème vous vient, vous demeurez peut-être « présent » mais non plus à cet « instant » seul. Si vous songez aux acides remarques que vous compter faire à votre cordonnier au sujet de vos maux de pieds, idem ; mais, à mon avis, en beaucoup moins poétique...

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29 juillet 2013

Devoirs de Vacances (1/3)

Devoirs (& amusements) de vacances

 

L'autre jour, qui était celui d'avant-hier, je me suis précipité au lavabo sitôt parvenu chez moi. Et là, dans le miroir, j'ai découvert – stupéfait – un visage aux yeux hagards ruisselant de sueur ! Une figure en miroir de véritable clodo du dharma, loin des sourires dentifrices de nos hommes politiques toujours fiers d'exhiber leurs implants dentaires par crainte de se mouiller des réalités pluvieuses dont ils ont perdu le contrôle.

Je venais de faire une petite marche d'une vingtaine de kilomètres sous un soleil de plomb. Pourquoi «de plomb» ? Je n'en sais rien. Mais, ça se dit. Tout comme d'une vie intérieure, on dit aussi «profonde». A croire qu'une vie intérieure ne saurait être superficielle, et ainsi trop proche d'une vie extérieure. Laquelle n'est pas beaucoup mieux définie que l'intérieure. (A présent, on parle même d’Écologie profonde. Toute vie intérieure serait mieux dite superficielle que profonde. Mais, la formulation est moins belle que celles d'Alan Watts lui-même tendant à montrer que ce qui constitue une limite constitue du même coup un contact. Dieu est Relation, disait Thomas d'Aquin. Et, sauf erreur, tout contact requiert une surface. Sans doute, entend-t-on ''profond'' au sens de ''plus réel et exact qu'une approche superficielle sans véritable compréhension du sujet, sa portée, ses implications lointaines et ses significations existentielles.'')

Mais passons ! Je suis en philosophie de vacances. Une de ces philosophies des apparences définissant les choses par leurs contraires sans préciser la nature de ce contraire et en quoi il est un contraire. Telle la météo. Laquelle est ''bonne'' certains jours, et d'autres jours non.

Encore que hagard, mentionné plus haut étant un terme de fauconnerie, qui exprime la sauvagerie en opposition de la domestication, ne saurait être une apparence contraire à ma joie de me rafraîchir et terminer mon plaisir de vieux marcheur.

Redevenons SERIEUX, et ne nous égarons davantage.

Mon intention n'était que d'adresser une petite carte d'un Été, peu ensoleillé en fait.

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Carte intéressée, car je souhaite inciter mes visiteurs à un esprit critique à l'égard des réflexions que je compte rapporter ici à la rentrée au sujet du psychologique et du spirituel ; et de la distinction que je compte établir.

(Je souhaite que la critique vienne enrichir mon point de vue.)

=

L'expression de mon visage m'a beaucoup amusé. (Et, quoique je ne l'ai pas encore dit, la teneur générale de mon billet portant sur la « psy/spi...quelque chose » on est en droit de penser que cette dite expression a elle-même un rapport quelconque avec le sujet ; qu'elle n'est pas une simple plaisanterie pour détendre l'esprit... ou mon corps et son esprit... esprit au sens d'esprit d'un alcool ou d'un vin.

Elle n'avait rien de particulièrement spirituelle ou religieuse, et dénotait seulement un certain état de fatigue résultant de l'effort physique que je venais d'effectuer dans la chaleur d'un plein soleil. On notera toutefois des éléments psycho-physiques certains tels

- que je n'étais pas présentable...

- que la production de sueur est un signal olfactif érogène (rendant gênant de se présenter comme en état de rut) mais que la sueur refroidissant produit une puanteur déplaisante (pouvant suggérer un manque de respect d'autrui)...

- qu'avant une certaine 'récupération' physique, ne serait-ce que de quelques minutes, la plupart des gens sont indisponibles à toute conversation, que ce soit pour écouter l'autre ou s'adresser à lui.... alors s'adresser à Dieu, vous pensez !... D'ailleurs, Jésus montre l'exemple : il commence par laver les pieds et remet à plus tard de parler de l'Esprit. (Même nus, les pieds ça pue).

Tout ceci pour dire que sans être dans le sujet même de la psychologie et/ou de la spiritualité, je parle néanmoins d'éléments préalables à l'esprit de fraternité que sont les rapports sociaux. (Et, l'esprit de fraternité est une dimension horizontale de toute vie psy/spi réelle, n'est-ce pas?)

Comme je vis actuellement seul, c'est sans importance en dehors d'une question d'hygiène et de santé. Mais, on peut imaginer que j'eus été invité pour le thé ou que j'ai moi-même invité à prendre le goûter avec moi....

J'aurais pris une douche, peigné ma barbe, mis de l'eau de Cologne ou de toilette. Je me serais habillé de propre. Par cette chaleur, inutile de se beaucoup vêtir. C'est bien pratique... D'un autre côté, je ne pratique pas le nudisme (du moins en compagnie).

Au fait, peut-on avoir une vie psychologique dans l'isolement ('l'enfant-loup') ?

Quand je suis pris ''en stop'', ce n'est pas seulement mon corps qui se relâche, mais aussi mes éventuelles tensions psychologiques, car je puis m'exprimer, raconter telle petite histoire ou provoquer un échange.

Un autre jour (cette fois là, c'était voici près de deux ans), j'ai épaté une jeune femme qui venait de me prendre dans sa voiture. A peine assis, je me suis exclamé : « Dites donc, Madame ! Ne seriez-vous pas une gendarmette par hasard ? »

Devant son étonnement, je lui ai précisé qu'elle était la première personne rencontrée depuis longtemps qui respecte tout 'naturellement' les consignes de sécurité a) par rapport au code de la route b) par rapport au risque d'une agression physique. (Ce b consiste en deux points principaux : ne jamais s'arrêter au hauteur d'un inconnu, mais quelques mètres en arrière ; être en mesure de démarrer sur les chapeaux de roue.)

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Au cours de cette marche, j'ai pratiqué diverses techniques ou, disons plus simplement que j'ai utilisé plusieurs trucs pour marcher vite, sans souffrance et sans fatigue, tout en demeurant dans un état d'esprit proche du recueillement.

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La psychologie est descriptive, apodictique, assertive et prédicative ; et supposée potentiellement thérapeutique.

Le spirituel est silencieux, indiscernable, lointain, assez indéfinissable1 ; et supposé parfaitement inutile2 et sans effet3.

Sauf à dire que toute psychothérapie est normative et répressive, idée-o logique ;

Que la spiritualité est polymorphe et libératrice, apophatique.

Comme je l'annonce à grand renfort de hauts cris de bateleur : j'entends faire valoir dans mes blogs d'Automne que la philosophie d'Alan Watts est totalement apophatique, mais joyeusement et expérientiellement mystique.

 

Bon Été.

1Si ce n'est à la manière du bonheur, par son absence.

2Si ce n'est à la manière de l'esthétique, quand son support matériel ne peut se vendre à l'Hôtel Drouot.

3Sinon comme placebo, certes.

22 mars 2013

D'un peu de tout, ce billet

 A ce que j'ai lu, Shanghaï serait devenu à la Chine ce qu'est New-York aux États-Unis, c'est-à-dire un lieu où sont représentées toutes les tendances culturelles du pays quoique sous une forme qu'il est impossible de retrouver autrepart dans le pays. (Et, en souvenir de Ti Jean -Jack Kerouac- dont l'ouvrage que « moi-je » préfère demeure Satori à Paris, je signale que l'Association Zhongbreiz est en voie de pouvoir rivaliser avec celle des bretons de New-York, cependant que les meilleures crêperie de Montparnasse sont -la plupart- tenues par des chinois. Ce qui est une agréable manière de vivre l'interculturalité du monde. Le jour où un mollah pourra célébrer la prière du soir à Notre-Dame de Paris, un Grand Rabbin diriger celle de la Grande Mosquée de Paris et leurs fidèles trouver à la sortie des moines bouddhistes quémandant leur soupe ou le bol de riz du soir, la véritable Paix des Hommes de Bonne Volonté ne sera pas loin. On pourra même envisager la suppression des religions institués.)

Pour l'heure, on peut supposer que les critiques qu'Alan Watts faisait à l'American way of life trouveraient tout à fait leurs places dans les Grands Magasins et les Gratte-ciels de Shanghaï (ceux du Front de Seine ou de la Défense à Paris pareillement, au fait ! La vie « à l'américaine » est de plus en plus devenue mondiale !

Et pourtant...

Pourtant à Shanghaï, des enfants se rendraient dans de discrets appartements du centre ville, où les décors et la discipline se veulent faire revivre les anciens confucianismes.

J'avoue savourer les utopies périphériques de la Philosophie wattsienne.

Elles expriment une espérance, une sorte de Woodstock de la pensée, mais aussi une mise en garde et une méfiance.

Cette méfiance -cette défiance- se justifie dans l'aspect attrape-nigauds des idéologies et des cénacles ayant pignon sur rue, mais en rien de solides bottes permettant de marcher dans la boue. (Encore qu'on puisse y marcher pieds nus. Le lavage des chaussettes en devient inutile.) Non ! Non!Et Non ! Ne plaisantons pas : cette méfiance provient de la négation même de l'idée d'ésotérisme et de spiritualité ; négation qui part du postulat que le monde nous est exclusivement extérieur dans son spectacle comme dans sa matérialité. Tout le mérite de la Philosophie d'Alan Watts est d'adopter un langage résolument moderne, voire occasionnellement de s'adapter aux dernières idées à la mode. Il n'en demeure pas moins que la Philosophie d'Alan Watts est traditionnelle. La Contre-culture spirituelle est celle qui fut le partage de toute l'humanité jusqu'aux environs du 11° et 12° siècle. La Contre-culture est une Culture de retour à la Tradition primordiale que toutes les idéologies et théologies positives tentèrent de détruire à partir de la Renaissance. Ces idées remontent aux débuts du second millénaire Post. J.C. Que leur diffusion fut freinée, notamment par les grandes épidémies, puis accélérée avec Gutenberg (1400-1468) -et la transposition écrite des langues vernaculaires- ne modifie pas l'aspect mondial du phénomène.

La mondialisation ne date pas d'hier. Mais question « date », tout le problème provient de ce que le premier millénaire ap.J.C ne débuta pas pile poil l'An 1000. Pas plus que le XXI° siècle ne commença en l'An 2000.

Ces divers phénomènes entre dans le cadre de l'Age Sombre, dit aussi Kali-Yuga, le Temps qui Tue. Et, sans vouloir jouer les prophètes, la crise économique actuelle ne trouvera une solution que le jour où les économistes, en des termes économiques et financiers, SVP, nous expliqueront le lien entre l'attentat du 11 Septembre, l'effondrement bancaire et un Fukushima venant après Tchernobyl.

Probablement en privé plus qu'en public, Alan Watts ne manquerait pas de demander, petite notation en marge, d'où vinrent et où allèrent les billets de banque qui servirent à l'occasion de ces trois tragédies (les cours de la bourse se sont redressés mais les billets que l'on palpe, où sont-ils?)

On peut dire que l'Age Sombre débuta avec la désacralisation du monde comme transmission d'un message spirituel intérieur. Le vrai sacré est regardé au dehors mais nous parle de notre vie intérieure. La désacralisation du monde, inversement, se caractérise par une projection (exclusivement unilatérale, à sens unique obligatoire) d'une interprétation subjective et de convoitise, d'accaparement, d'acquisition et de possession impériale du monde (éventuellement, avec aussi des valeurs irréductiblement esthétiques et poétiques mais détournées de leur fonction naturelle). On utilisa aux USA l'expression de matérialisme spirituel, à la suite de Chogyam Trungpa Rinpotche. Je dois dire, à titre tout à fait personnel (!), que cette expression m'a toujours gêné, car, à titre de plaisanterie semble-t-il, Alan Watts utilisa cette même expression pour désigner le fait que la matérialité du monde est elle-même divine. Ou, -autres expressions disponibles, la « manifestation du Ki », le « Spiritus » médiéval ou encore et encore le « Jeu de notre existence au monde », etc. Par définition, toutes ces expressions impliquent une traversée de l'immanence par la transcendance. On utilise parfois l'expression poétique de « transparence du dedans et du dehors » ; et dans les commentaires de tendances soufies, il est rappelé que l'être humain ne peut jamais voir que l'une des figures de Dieu, que celles-ci sont partout, que toutes reflètent le vrai visage de Dieu, mais qu'aucune ne sont Dieu. Dieu contient toutes nos petites lorgnettes, mais il est grand, immense. La grandeur d'Allah n'est pas différente, au moins sur ce point, de l'immensité de Brahman. Il faut bien saisir qu'utilisant à l'occasion une phraséologie de teinture scientifique telle « On peut s'interroger de savoir si c'est le cerveau qui s'évoque lui-même dans l'Univers ou l'Univers qui se reflète dans le cerveau humain », il se réfère à cette transparence de l'Être, au cœur du message de la Tradition.

C'est ici, dans nos raisonnements, que prend place la sémantique générale, l'idée que les mots ne sont pas les choses.

L'Apophatisme général que je préconise pour ma part n'est qu'un antidote de la double maladie de la « positivation » du monde et de « l'idéologisation » partisane des concepts le désignant.

La psychologie moderne entend adapter les individus au monde extérieur, jugé avant tout socio-économique. Les voies de libération nous unifient au Sacré. La psychologie moderne tend à nous adapter aux contraintes de la conquête impériale du monde. Les voies de libération nous proposent une adaptation aux lois du Ciel. Elles impliquent l'obéissance aux lois « sous le Ciel » (l'animalité en tant qu'elle est une dimension biologique commune entre les animaux et les hommes), mais ce qui est « sous le Ciel » est bien sûr contenu dedans le Ciel, notre ciel du système solaire, contenu lui-même dans une galaxie, contenue elle-même dans le Cosmos.

Ce qui ne doit pas faire oublier, qu'à nos yeux (qui sont en droit d'en être) émerveillés..... la voûte céleste se trouve « en haut » et la terre, le sol même de la planète sur laquelle nous marchons, -nous aimons ou nous faisons la guerre, subissons des catastrophes ou des épidémies-, se trouve « en bas ». Et, l'être humain est -de toute évidence- tout aussi bien à la merci des réalités d'  « en bas » que des mécanismes cosmiques. Notre Terre se réchauffe d'elle-même de notre fait, mais notre Soleil se meurt et tôt ou tard nous renverra à une époque glacière sans que l'action humaine y soit pour grand chose. (On remarquera que des catastrophes telles celles de Tchernobyl ou de Fukushima proviennent autant d'une malveillance « d'en haut » que « d'en bas » : si le choix des emplacements comme le calcul de résistance des matériaux n'avaient pas été truqués pour des raisons de profit, il est probable que les dégats de l'impact strictement « naturel » eussent été considérablement moindres.)

Être écolo signifie respecter le territoire des tigres, mais l'équilibre des contraires nous invite premièrement à ne pas s'aventurer de tirer leurs moustaches sous prétexte d'amour de la nature et, deuxièmement, à conserver une excellente carabine à portée de main et d'être capable d'abattre tout fauve qui viendrait à s'aventurer sur le territoire des humains.

 

Tout le problème, sur ce vaste décors d'un surréalisme dalilien et le drame cosmique qui s'y joue, demeure : « ET MOI ? ET MOI ? ET MOI ? Qu'est-ce que moi-je deviens dans tout ça ? »

Nota ascético-orthographique : sauf si l'écrivant se trouverait être un Éveillé, ce « deviens » doit être orthographié à la première personne : la maladie de l'ego est nôtre quoique la pression éducative et socio-culturelle, le sur-moi et toutes ces choses, y ont une part essentielle. Mais, l'ego n'est pas une maladie qui nous tomberait sur le dos comme un coup de froid. Elle est aussi congénitale que sociale.

Tel est l'enjeu de la métamorphose d'une conscience egotique en conscience cosmique.

En Extrême-Orient traditionnel, on évoque le grain de sable s'envolant avec le vent du désert ou la vague qui rejoint l'Océan.

Ce sont les thèmes qu'abordent au fond Psychothérapies Occidentales et Orientales, et que mes commentaires feront escorter du tout premier livre américain d'Alan Watts, (La Signification du Bonheur) et de son tout dernier sur le Tao (the watercourse way – à ne pas confondre avec La philosophie du Tao, dont la signification est bien à l'opposé « the tao of philosophy » : ce en quoi le tao traverse aussi la réflexion philosophique ; techniquement, il faudrait dire : le tao-te (dao-de) : la vertu du tao en philosophie (ce en quoi la philosophie peut nous aider à découvrir le tao, mais sachant les limites de son propre discours, car le tao véritable traverse sans s'y arrêter ; le tao peut traverser le discours philosophique mais ce dernier ne saurait lui être extérieur ou par paraphrase, comme dirait Zhuangzi : à trop dire le tao, on ne fait que prouver que l'on ne l'a jamais écouté, ni entendu, i.e. Que l'on n'y entend rien !).

Ceux qui s'intéressent prioritairement à ce passage (effectivement psychologique) de l'ego au Cosmos, du « petit soi » auto-centré au Soi libéré peuvent se contenter des trois livres mentionnés plus haut.

Ceux qui ont une habitude ou des goûts philosophiques devraient y adjoindre L'Identité Suprême pour la question de l'ésotérisme et L'enseignement oral des bouddhistes tibétains, d'Alexandra David-Neel sur l'inexistence substantielle de l'ego. (Alan Watts exigeait, de ses étudiants à l'Académie des Etudes Asiatiques, la lecture préalable de cet ouvrage, sans laquelle ses propres affirmations - lors de ses cours, conférences et séminaires - sont incompréhensibles.)

Ces deux ouvrages marquent aussi l'évolution de la pensée d'Alan Watts : de la lecture de son premier livre américain, il est possible de penser qu'un ego sain équivaut à la libération intérieure. Après avoir lu Tao, on sait (du moins les concepts de ce Savoir) que la Vie, notre vie personnelle incluse, est un verbe sans agent ni substantif, attribut ou épithète. La fonction naturelle de l'ego est seulement de constater qu'il est vivant plutôt que mort. Ma grand mère me disait : « T'as mal ? Tu es donc bien vivant ! » Si elle avait été averti du zen, elle aurait précisé « Quelle chance !Quelle Merveille ! » Ce qui fait bien plus chic, pour sûr. Mais, tout de bon, n'est-ce pas merveilleux ? Pour de bon et pour de vrai !

 

Étant en ce moment sans l'sou, je suis contraint de reporter l'achèvement de mon blog sur Alan Watts à l'automne prochain. Ce qui ne fera qu'une année de retard sur mes désirs ; l'éternité en a vu d'autres... 

2 décembre 2012

Philosophie d'Alan Watts, autres points de vue

(Place de la Philosophie d'Alan Watts 2/2)

= = =

Une très majeure part de la libre philosophie d'Alan Watts pourrait se résumer ainsi :

{ En termes codés, le maître mot du Chan/Zen demeure de ne pas se laisser abuser par les apparences. Mais, pourrait-on vivre la vie sans aucun apparat de savoirs et de savoirs faire divers ? Et, de moyens de les mettre en œuvre ?

« Il y a un célèbre koan zen qui dit :

Il y a un koan à ce sujet, mais lequel ?»

Pour faire simple, quelque chose bien de chez nous : on ne peut avoir le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémiaire.

(Mais, l'affaire est complexe, et cherchant de l'inspiration sur le Web, je suis tombé sur quelque chose qui n'est vraiment plus du tout rigolo : du beurre d'amande africain revendu en Europe 135 fois le prix qu'il a été payé au producteur ! Ce qui, d'ailleurs, n'a rigoureusement aucun rapport avec le cul de la crémière ou l'indispensable appareil que revêt l'action de vivre sa vie en actes. On peut toujours le croire.) }

La double assertion au sujet du beurre d'Afrique qui serait sans rapport avec la crémière étant juste là pour rappeler que nous vivons dans un monde d'injustice économique, et que cette injustice économique -en ce qu'elle est économique- ne saurait être ignorée sous prétexte d'être affronté au fonctionnement d'un cerveau conditionné à ne pas saisir immédiatement le sens des koans ou l'ironie des jeux de mots qui parsèment mon blog. La contre-culture californienne tenta la prise en compte de la dimension économique dans sa Révolution avant tout Intérieure.

Elle le tenta en vain. Mais, elle le tenta. Elle ne l'ignora pas et ne se réfugia pas dans l'hypocrite position métaphysique d'un changement "de soi-même" qui changerait "le monde". Pas de méditation en dropping out sans compassion en egolessness.

Ces points acquis, au moins dans leurs principes, on peut prendre plaisir à "philosopher" librement.

Ce plaisir de "philosopher" avec exubérance, -et tous ses synonymes, du plaisir le plus "épicurien" au plus hauts raffinements du plaisir esthétique-, est un point que presque tous les sympathisants d'Alan Watts soulignèrent.

 

Je commence par Elizabeth Antébi, dont je conseille vivement la visite du site. Je ne vais utiliser ici que ce qui met directement de l'eau à mon moulin expression constituant un anachronisme si l'on considère que l'impact de son reportage fut considérable dans le cours de mon existence. A l'époque, le seul ouvrage aisément disponible était Bouddhisme zen. Mais, pour "divulgateur" qu'il soit, il n'est pas d'un accès facile. Toute sa première partie requiert une certaine culture asiatique, et/ou entraine diverses autres lectures de classiques sino-japonais, pour en savourer toute l'aisance et toute la liberté. Sans ce reportage, je n'aurais peut-être pas été convaincu... Il n'y aurait eu aucun contact, aucune représentation sensible avec la personne du philosophe, dont la théâtralisation des "effets" est en soi un enseignement. Et, je me souviens que plusieurs amis eurent la même réaction que moi.

Le reportage d'Antébi donne l'envie d'en savoir plus tout à la fois sur le taoïsme/bouddhisme chan/zen en eux-mêmes que sur leurs rôles dans l'apparition de la Contre-culture californienne.

&

Tout le climat du film était donné par l’extrême théâtralité de Watts, marchant en kimono noir dans les arbres qui surplombent Sausolito, frappant du gong avec solennité, traçant d’un pinceau calligraphique la première phrase du Tao, tirant à l’arc ou se prêtant à la cérémonie du thé.

A la question

- Comment apprend-on à s’éveiller ?

Alan Watts répond : « Tout le monde voudrait savoir comment ! Il n’y a pas de « comment », il n’y a pas de chemin. Comment avoir la grâce de Dieu ? Personne ne sait. Pourquoi ne peut-on définir de chemin ? Parce que l’on n’existe pas comme entité séparée du monde. Quand vous comprenez que vous n’existez pas comme entité séparée, le travail est fait.»

«Mais comment le comprenez-vous ?

«- En réalisant que vous ne pouvez pas.»

===

Nota perso 1 : Sauf erreur, il me semble que ce bref échange est une exception, qu'en général la règle des commentaires sur Alan Watts : ne pas aborder l’œuvre du philosophe comme GUIDE D'EVEIL ET DE LIBERATION, comme action (de non-action) favorisant l’Éveil et, surtout, comme indicateur de discrimination des terrains d'ivraie des terrains de culture du bon grain. Nous ne sommes pas tous appelés à devenir un Socrate ou un Huineng ; mais, nous sommes tous appelés à la liberté de choisir ses propres opiums a-politiques et a-théocratiques comme de ne pas être un esclave ou un robot de la société moderniste et politicienne - d'ailleurs elle-même manipulée par les diverses nomenklaturas religieuses ou politiques façon Meilleur des Mondes (Aldous Huxley) ou Bonheur Insoutenable (Ira Lewin).

Nota perso 2 :Tout le sens des commentaires que je ferai, à la suite d'Alan Watts, sur la différence essentielle entre les psychothérapies occidentales et les voies de libération spirituelle réside dans cette distinction : tout ce qui peut s'expliquer et donc se comprendre verbalement au sujet de l'intellect, des émotions et du corps humain relève de la psychologie ou de la philosophie ; ce qui relève de la l'Esprit ne peut se comprendre. On peut l'expérimenter par instant, ou le réaliser en permanence en devenant un Sage, mais il est réfractaire à toute explication (& dogme, doctrine, pratique religieuse institutionnelle, etc.). L’Être entré dedans la Connaissance ne peut plus l'étudier et la décrire du dehors. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Il demeure possible d'utiliser des formules poétiques, parler de la transparence de dehors et du dedans chez le Sage, mais -parvenu à ce point- vous ne pouvez "comprendre" le Sage qu'en le devenant à votre tour.

===

- Dans la vie, vous jouez un peu la comédie, comme un acteur, vous changez de costume … C’est une conception de vie ?

Alan Watts répond : « Oui, car je regarde tout l’univers comme un drame. Là est, inconnu et off scène, l’acteur. Alors que fait un acteur ? Il veut, de la scène, vous faire ressentir que cela seul qu’il joue est réel. S’il est bon, tout le monde commence à pleurer, à trembler, car les spectateurs pensent que c’est réel, tout en sachant en Hintergedanke, en arrière-pensée, que ce n’est pas réel, mais il vous persuaderait presque. Maintenant, imaginez l’acteur absolument parfait devant l’audience absolument parfaite : ils imaginent que ce qu’il joue est la réalité. L’arc de proscenium s’évanouit. Là, vous me voyez parce que vous êtes devant votre écran de télévision (le proscenium) et vous savez que je suis seulement à la télévision, ce n’est pas vraiment moi, c’est une reproduction. Mais j’essaie de vous persuader que je suis vraiment ici. Voilà la tâche de l’acteur. Dans le même ordre d’idée, l’univers est une grande comédie.»

Mais aussi :

«Je ne peux échapper à l’instant. Impossible. Il n’y a pas d’autre endroit pour être.»

 

Un peu plus loin, il a également l'occasion de se référer à Laozi, qui propose de suivre «la ligne de moindre résistance, comme l’eau, car l’eau est à la fois la chose au monde la plus puissante et la plus douce. Il dit : l’homme à sa naissance est souple et tendre, mais à sa mort, il est rigide et dur. Souplesse et tendresse sont les marques de la vie, rigidité et dureté les marques de la mort.»

En produisant cette citation, j'anticipe déjà sur Psychothérapie Occidentale et Orientale en ce qu'il oppose cette "fluidité" du Tao à la vision "constructiviste" de l'Occident. L’Occident considérant l'être humain comme une machine ne peut songer qu'à vouloir améliorer ses performances, ou à la réparer si elle fonctionne mal. L’Oriental s'abandonne au cours du Tao et, s'il se sent mal, s'y régénère. On peut considérer cette sorte de "régénération" comme un facteur essentiel de santé mentale (et physique du reste)....bien sûr.

 

De Jacques Mousseau, pour sa part, on peut trouver deux textes importants en diverses pages du Web. Une notice nécrologique et un long interview :

Les réponses d'Alan Watts fusent en tous sens au rythme des questions du long interview de Jacques Mousseau. Je voudrais commencer par ce à quoi elles aboutissent, tout à l'opposé des préoccupations que les mass-médias nous assènent à longueur de temps, du fait qu'elles s'attachent aux pas de personnalités politiques plus qu'aux initiatives populaires :

aider la venue dumoment où les gens seront payés pour ne pas travailler

de payer les hommes pour le travail exécuté par les machines

car, Le but de la technologie, je l’ai dit, est en effet de faire exécuter par les machines les travaux ennuyeux qui sont actuellement le gagne-pain de la plupart des gens

qu'il s’est créé une confusion entre argent et richesse, alors qu’en réalité l’argent sert à mesurer la richesse, exactement comme les centimètres servent à mesurer le bois ou le métal.

Le problème de l’Occident est la confusion du symbole avec la réalité. (...) Nos maisons mêmes sont mal construites parce que le travail n’est pas fait honnêtement — et ne peut l’être. Il est impossible dans ce système pour un ouvrier ou un artisan qui connaît et aime son métier de gagner sa vie, car on attend et exige de lui du travail bâclé.

 

= = = les "entrées"

En

www.cles.com/enquetes/article/alan-watts-heraut-de-la-contre-culture

on peut trouver le dernier article d'ensemble paru, précis et complet sur la vie et la place d'Alan Watts. Le titre est par lui-même évocateur. Le bref témoignage que Gary Snyder donna à Gilles Farcet l'illustre bien. Watts, se présentant lui-même en porte parole de la sagesse, ajoutait parfois que «Gary Est ce que je Dis.»

= = =

Entre Elizabeth Antébi et Gilles Farcet, divers articles ont rendu compte des divers aspects de la vie et de la pensée Alan Watts.

Il est aisé d'y accéder en liant le nom de leurs auteurs à celui d'Alan Watts.

Dominique BECKER

Jean BIES

Jacques BROSSE

Jean-Michel PALMIER

Jeannette KEMPFNER

Jean-Claude ST. LOUIS

D'autre part,

http://www.youtube.com/user/AlanWattsVOSTFR/videos?view=0

Le site jerryroad.over-blog.com/ et le Portail d'Albert albertportail.info/ présentent divers articles sur la Contre-culture et l'influence zen, Gary Snyder comme Alan Watts.

 Voir aussi

http://www.youtube.com/user/AlanWattsVOSTFR/

http://lebouquinoire.blog4ever.com/blog/lire-article-711816-9722893-texte_invite___pierre_lhermite__parcours_spirituel.html

 

18 novembre 2012

Alan Watts, un Philosophe en liberté

Alan Watts a parcouru bien des sentiers, sans jamais s’y tenir, en dépendre ou en devenir spécialiste, à la manière des voyageurs de ce conte dans lequel toute direction ramène immanquablement à la seule et même croisée de tous les chemins qu’offre la vie.

Le lien paraît ténu entre le prêtre qu’il fut quelques années, et qui tenta de renouveler la liturgie de chaque office en une harmonie de majesté et de liesse, d’allégresse juvénile, et cet écrivain frondeur prônant un érotisme polymorphe à tout être humain.
Jouant les cuisinier, psychologue, théologien, bouddhiste zen, journaliste, excentrique maître à penser des hippies ou expert auprès des tribunaux, il assumait ces activités divergentes pour revenir toujours au centre de ses préoccupations : l’expérience spirituelle, appelée ici Conscience Cosmique. Le domaine est un peu particulier, au vingtième siècle. Il requiert d’être un ‘généraliste en sciences humaines’, un touche-à-tout. Expressions assez lourdaudes, auxquelles il préférait celle de Philosophe en Liberté.
C’est une catégorie socio-professionnelle dont il paraît être le seul représentant. Nous avons des romanciers, des professeurs, quelques savants et quelques ecclésiastiques qui sont reconnus philosophes par tous. Nous n’avons plus de philosophes ‘philosophes’. Ou alors, ils se cachent si bien que la race donne l’impression d’être éteinte depuis fort longtemps. Or Watts, au moins en son âge mûr, parvint à cette liberté d’antan. Libre parce-que sans obligations professionnelles précises et contraignantes ; libre surtout du dogmatisme ; libre d’être lui-même, jusque dans ses défauts qui étaient à la mesure de ses étonnantes qualités.
Le reproche lui en fut fait : quand, au matin, il glissait une feuille de papier dans sa machine à écrire, les fins d’édification morale, de prosélytisme ou autres n’étaient pas d’une grande importance. en une forme de rêverie méditante, il laissait flotter son esprit, et celui-ci le ramenait à sa visée première d’exploration et d’élargissement de la conscience ou d’étude de ce qui la limite.
Limite constituée tout premièrement par notre ‘humano-centrisme’, l’idée que le ‘je’ se fait du ‘moi’, du ‘moi-au-monde’. L’obstacle a toujours été. Il est particulièrement puissant dans le monde moderne, qui en a produit un dogme prohibant toute aspiration à un ’supra-égoïsme’ ou à un ’supra-humanisme’.

Par ce qui précède, il est permis de rattacher Watts au courant de la Tradition. De fait, Watts a découvert le Bouddhisme zen dans son adolescence, puis René Guénon à l’âge adulte. Ce qui lui permit de ne pas rencontrer de problèmes moraux en revêtant la soutane, la différence Bouddhisme & Christianisme n’étant plus qu’une affaire de formes culturelles (puisque la thèse majeure de Guénon est l’unicité essentielle, ésotérique, de toutes les religions ; les différences et les oppositions étant extérieures, exotériques, aveuglant seulement les non-initiés, les profanes).

Il ne s’agit pas d’une inféodation. Je vois d’ailleurs mal un guénonien se reconnaître en Watts, et, d’aussi loin qu’une telle chose puisse s’imaginer, je me figure mal l’austère et sec René Guénon recevoir le jeune Alan en lui offrant Whisky, cigare, plat en sauce et fines plaisanteries*. Par contre, à partir de l’apport de Guénon - ainsi que de Coomaraswamy -, Watts a pu développer une critique systématique de la société occidentale qui conserve toute son importance. Cette critique ne tend pas à une contestation historico-politique propre à modifier le cours de nos sociétés. Elle se voudrait permettre, chacun pour soi et à sa façon, de répondre à la question que voici : comment peut-il bien se faire que, pour l’Orient traditionnel et pour l’Occident pré-moderne, la quête spirituelle est apparemment la première préoccupation existentielle sans que celle-ci vienne contredire la matérialité ? Ou, pour prendre un exemple précis, concret et quasi journalier : en quoi manger une cuisse de poulet industriel présentée sous cellophane peut être une occasion de péché (= erreur métaphysique) quand en manger après avoir attrapé l’animal dans la cour, l’avoir soi-même saigné et cuisiné, l’est beaucoup moins ?

Pour résumer un peu sommairement, indirectement, une réponse qui traverse toute l’œuvre de Watts, le monde moderne nous crie et nous somme de croire que le corps humain, devenu séparé de son âme, est une machine (ainsi, on s’en doute, que tout vivant animal, végétal ou …minéral) pouvant en conséquence se nourrir machinalement, chimiquement et non plus en participation symbolique et mythique de l’âme au divin. Par suite logique, nourrissons-nous notre corps d’un côté ; et notre âme, de son côté, tourne ses appétits vers d’autres substances bien immatérielles (idéologies, projet, devenir, histoire, responsabilité, identité, émotions, et j’en oublie), qui sont des abstractions. Or, ce que nous dit ainsi le monde moderne est un conglomérat de mensonges et d’empêchements d’accès à la Conscience Cosmique, cette résipiscence de l’âme, ne tentant plus d’objectiver le monde, mais d’y acquiescer, de s’y assujettir délibérément.
La Conscience Cosmique est une âme qui se reconnaît dedans le monde, qui a découvert que nous sommes les objets multiples d’un unique Sujet (Brahman, Cosmos, Dieu, Tao…) auquel il nous est proposé d’ouvrir une existence limitée, qui ayant tout reçu, Se rend à Tout, EST le Tout.

C’était l’art de Watts : un détail du quotidien, en y réfléchissant bien, la métaphysique tout entière se découvre par lui. Que je sache manger un poulet, donc tuer, respirer, goûter, chanter, aimer, baiser - et la mort disparaît. Plus de Temps, Espace, Changement. Que je suive bêtement la culture de super-marché, et la peur me reprend, et je tourne le dos à la Vie : naissance & mort continuent.

* Un ami connaisseur de Guénon m’a fait remarquer que la tournure de cette phrase peut laisser à penser que René Guénon avait été un “pisse-froid”. Ce qui est injuste. La qualité de son accueil et de son sourire le prouve. Dont acte, très sincèrement.


© Pierre Lhermite

 


(Ce texte, inclus dans mes “Chanxué” de 2001, servit d’abord de préface à la traduction d'Alan Watts de “Deux essais sur l’expérience spirituelle”, par Jeanne Chantal et Thierry Fournier, en 1988) HC

 

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17 novembre 2012

Place de la Philosophie d'Alan Watts 1/2

Tout à la fin du XX° Siècle, il existait encore dans l'extrême sud de l'Amérique une petite population de vieillards possèdant une particularité génétique recessive remontant à plus de 15 000 ans. Cette particularité, depuis lors, a probablement disparue à tout jamais. Car, pour survivre, les enfants et petits enfants de cette petite population n'avait plus eu d'autre choix que celui de se fondre dans la masse des autres êtres humains. Je ne saurais vous en dire plus, faute d'une culture scientifique suffisante.

Je mentionne ce détail pour sa longueur de temps : 15 000 ans. Une particularité parmi toutes les variétés génétiques de la vie humaine vient de disparaître à tout jamais de la surface de la Terre. Voici à peine une dizaine ou une quinzaine d'années...

 

Mais, tout de même, cette particularité aura vécue 15 000 ans!

Telle qu'elle était encore voici une cinquantaine d'années, cette population constituait donc un peuple survivant de la protohistoire. Quand on parle des espèces en voie de disparition, on songe aux espèces animales, et rarement aux espèces humaines. On oublie aussi les échelles du temps, et cette caractéristique de toute vie, de toute espèce végétale, animale ou humaine : le temps plus ou moins long et pénible qu'elle met à naître, -à apparaître au royaume de l'existence des formes et des nominations-, ET le temps extrèmement bref et sans douleur qu'elle met à disparaître. Munissez-vous d'une pierre, allez voir votre voisin, fracassez son crane... vous saurez le plus "expérimentalement" du monde combien cette même vie, -si merveilleuse!-, est fragile. Je déconseille fortement le suicide : il ne saurait être "expérimental" puisque non renouvelable à volonté, contrairement au meurtre qu'il s'agisse de celui d'un minéral, d'un végêtal, d'un animal ou de votre voisin de palier.

Je ne me risquerai à aucun exposé précis. Le risque d'induire en erreur serait trop pesant.

 

Avant de traiter du Bouddha Sakyamuni, ou de la bouddhéité qui est en chacun, il n'est pas inutile de secouer un peu nos idées reçues et nos prêts-à-penser qui engonzent l'intuition que nous pourrions avoir de ce que signifient des expressions telles que "Tradition Primordiale", et donc "Philosophie Perenne", l'ésotérisme de notre corps génétique, physique, culturel, spirituel. Il est assez habituel de diviser les choses en trois Anima, Animus, Spiritus (ou si on veut, notre "animalité", notre "humanité" et notre "divinité"). Personnellement, je n'ai jamais tenté de les apprendre par coeur, mais il est bon de savoir que cette division peut se subdiviser en 21, 63 ou 99 parties, venant ainsi illustrer le célèbre apophregme taoïste : L'Un se fit Deux et créa les Dix Mille choses.

A propos de ces poussières de tapis mental - à fortement secouer, je signale que mon surf internautique m'a permis de me souvenir d'un fait (que je n'ai pas appris sur les bancs de la fac, mais en lisant James Bond, volume On ne vit que deux fois.) : si la culture japonaise est massivement d'origine chinoise, quelques peuplades du nord sont génétiquement d'origine tibétaine, d'autres plus récentes d'origine coréenne.

Moi, je suis d'origine celtique (bretonne) ; et vous ?

ATTENTION ! Je ne suis pas là en train de vous faire un cours quelconque de Culture Générale. Je tente de préparer la scène du théâtre de nos idées et opinions illusoires au milieu de laquelle je veux placer Alan Watts nous entretenant de nous-mêmes : moi, toi, lui ou elle, les autres, frères et soeurs en humanité terrienne autant que céleste !

 

Le point, pour sa part plus philosophiquement recevable et peu discutable, étant que je ne vois aucune raison d'accorder plus d'importance aux révolutions républicaine, laïque, freudienne, politique ou monétaire, lesquelles ne datent que de quelques années, qu'à la "protohistoire", qui nous fait au moins dans les 10 000 ans d'age.

Et ceci tout en gardant présent dans un coin de l'esprit l'échelle du temps : faites ce qu'on appelle un "rappel à soi", entrez en méditation ou "centrez vous dans l'oubli1", vous connaîtrez un instant d'éternité... quelques secondes fugaces.

 

La Contre-Culture, que l'on peut élargir sur une trentaine d'années, de 1950 à 1980, eut cette intuition de revoir, de ré-examiner cette question du rapport du temps et du sens de la durée vécue. Tout particulièrement lorsqu'elle visa un renouvellement poétique de notre approche du moderne, une sorte de Révolution Intérieure, la Contre-Culture avait pour première révolte le refus de se plier aux exigences horaires du travail, de la croissance économique comme des loisirs et leurs consommation & production de déchets. A un moment donné (en gros 1965-68), on aurait pu croire qu'une grande vague de fond secouait l'ensemble de la jeunesse mondiale. Le reflux ne tarda pas, laissant derrière lui quelques ilots où se réfugièrent quelques-uns, tels que Garry Snyder ou Allen Ginsberg pour ne citer que deux noms phares. La grande révolte mondiale, la douceur des "enfants fleurs" comme le sursaut libertaire, écologique et poétique devint ou redevint minoritaire, très minoritaire. Certains de ses aspects esthétiques et artistiques demeurent, comme de fragiles passerelles offertes aux communautés des nouvelles générations...

 

Hier au soir, en surfant sur la toile, je suis tombé sur cette définition : «Le vocable de communauté désigne toutes les expériences de fuite hors du monde moderne, ainsi que toutes les formes de recherches de vie nouvelle que cette fuite implique.» (Bernard Lacroix, Revue Française de Science Politique, juin 1974)

Plus près de nous, j'ai également trouvé un texte d' Henri Arvon, dont je connaissais déjà les travaux sur l'anarchisme : «C'est au travers une double hostilité envers le monde occidental et le monde socialiste, envers la société de consommation et la bureaucratie totalitaire, que le gauchisme revendique un monde où le bonheur dépende non pas de la conquête et de la destruction de la nature accomplies au profit d'une aveugle croissance économique mais de la réconciliation avec elle.» (Henri Arvon, Le gauchisme, PUF 74, reéd. 77, p 10) Je souligne...

 

Dans ma pérégrination cliquetante sur l'Internet, j'ai rencontré divers autres auteurs tels que Jean Baudrillard, pour son étude sur la société de consommation (1985), Pierre Clastres, pour sa Société contre l’État (1974, reéd 2011), Ivan Illich bien sûr (mais lui, je connais ses écrits depuis très longtemps, via son parallèle entre l'organisation de l’Église Catholique et celle de la General Motors, dans la revue Esprit). Avant "Socrate, fonctionnaire", de Thuillier, c'était en somme «Mon curé fait du management».

Il est à relever, me semble-t-il, que ces auteurs (auxquels on peut ajouter des personnages aussi différents que Malinowsky, Margaret Mead, Claude Levy-Strauss, Konrad Lorenz, Jean Malaurie, René Dumont, Théodore Monod et combien d'autres!2) ont en commun de ne pas faire dépendre le sort du monde de la sortie de quéquette de celui-ci ou des malversations boursières de celui-là.

 

On l'aura compris, je cherchais quelques repères pour y dessiner et y accrocher les décors de fond d'un imaginaire tréteau sur lequel le discours philosophique d'Alan Watts puisse prendre place dans sa singularité toujours actuelle (j'ai presque envie d'ajouter : hélas!).

Ces décors de fond dressés, j'y placerai des points de vue (en langue française) sur la Philosophie, ou du moins, la pensée philosophique d'Alan Watts.

 

Enfin, je vous indiquerai quelle est la direction exacte de la Libération, la Sagesse, l'Immortalité ou plus techniquement exprimé le Bonheur-Liberté. Mot composé par S. C. Kolm.

Nous, en Occident Moderne (& Orient Moderne), nous avons tellement pris l'habitude de tout analyser (avant même la moindre compréhension de ce qui fait l'objet de cette analyse) qu'il n'est plus possible de traduire une conception orientale par un seul mot de nos langues occidentales modernes, et qu'il est devenu indispensable de rendre une notion orientale par un composé, éventuellement assorti d'un épithète venant en préciser le sens. (Certaines notions occidentales, antérieures au XIII° siècle, seraient à même de rendre mot pour mot divers concepts d'Orient, mais comme chacun l'apprend encore dans l'enseignement confessionnel aussi bien que laïc : les théologies et philosophies médiévales sont très-très moyenâgeuses, obscurantistes et pouilleuses... la peste et le choléra de la pensée positiviste, rationaliste, objectiviste et scientiste.)

Bien sûr, je n'en donnerai que la Direction (l'un des sens de "dao", un autre étant "dire"), qu'en regard d'un Tao indicible (Le Tao que l'on nomme n'est pas le Tao véritable ; le nom que l'on peut dire n'est pas le nom véritable.)

Ma prétention d'indiquer la bonne direction est bien moins grande qu'il n'y parait.

 

Il faut reconnaître qu'Alan Watts n'est pas accessible à illettré, mais il est non moins clair qu'il ne s'adresse pas à la société savante. J'avais beaucoup aimé le tout premier commentaire qui fut fait à la première édition en langue française de "Bouddhisme Zen" (Payot) : c'était un divulgateur.

Divulgateur des pensées orientales, il le reste mais bien peu. Les pensées, l'esthétique, la réalité quotidienne des peuples d'Orient abondent aux rayons des grandes librairies comme des disquaires, des vendeurs de produits audio-visuels les plus divers comme, gratis ou à faible coût, sur le Net.

Aussi invraisemblable que cela paraisse ainsi formulé : Alan Watts demeure un dangereux révolutionnaire sous un angle incroyable, celui que l'Orient me concerne moi et que "moi" (mais votre "moi" aussi) reste conditionné par l'alternative d'une antinomie supposée irréductible : vous "croyez en Dieu" ou vous "n'y croyez pas". Cette antinomie fausse toute approche de nos expériences tant corporelles que psychiques, religieuses que mystiques. On les a mis dans un fourre-tout de "spiritualité". On y embrouille tout. Et, surtout, on s'y embrouille soi-même et on trouble notre relation aux autres.

 

L'arbre se reconnaît à ses fruits. Peu importe que ceci soit vrai et que ceci soit faux ; il pèse seulement que ceci ou cela soit bénéfique dans ses résultats, source d'apaisement et de joie dans la relation aux autres et aux objets du monde.

En effet de retour, on s'aperçoit alors que somme toute je puis m'aimer moi-même et participer au festin du samsara, quoique de plus en plus ouvert et perméable au nirvana, ou, comme pour ainsi dire, s'en laisser aller au fil du Tao.

Il n'y a pas d'inconvénient à émettre l'idée de déification, sous réserve que ce dieu que l'on incarne soi-même soit compatissant, apaisant mais pas trop ennuyeux.

 

 

1Il est généralement dit "assis dans l'oubli" mais cette "assise" signifie plutôt "assiete" au sens de "l'assiète d'un cavalier", c'est à dire bien centré dans le ventre, ainsi qu'il est dit que l'on est bouddha couché, assis, debout. Les pratiquants du Chan/Zen ajoutant "immobile" et "en marche", et compliquant les choses en terminant l'explication de l'affirmation qu'il ne faut pas confondre le mouvement immobile et l'immobilité en mouvement (ce n'est pas un koan, c'est la simple constatation que l'on peut immobiliser son corps tout en vagabondant mentalement par monts et par vaux. Et, quoique plus subtil à percevoir, que la réciproque est également vraie.)

2cf. par exemple, http://www.fabula.org/atelier.php?La_collection_Terre_humaine%3A_dans_et_hors_de_la_litt%26eacute%3Brature

2 octobre 2012

Psychologie et Spiritualité - 00

Ma réflexion va porter sur le thème de la «Psychologie et de la Spiritualité» en m'appuyant principalement sur .Psychothérapie Occidentale et Orientale et Joyeuse Cosmologie.

Il est toutefois probable que je doive faire aussi des allusions ou des citations des diverses préfaces d'Alan Watts.

Lire les préfaces ou introductions des ouvrages d'Alan Watts -dans l'ordre chronologique- est le meilleure moyen de suivre le développement de sa pensée. On peut en saisir facilement la diversité et l'unité. La conclusion serait alors "La philosophie du Tao" (Ed. du Rocher, titre original The Tao of Philosophy), étant bien entendu qu'il ne saurait y avoir de philosophie chinoise qui plus taoïste qu'une autre.

Le Tao, étant nulle part peut être n'importe où ; il peut donc être dans la "philosophie" et, à philosopher, on peut découvrir la ou les vertu(s) du Tao.

Les auteurs catholiques aiment traduire en chinois le début de l’Évangile selon St. Jean «Au commencement était le Verbe/Logos» par

Avant il y a le Tao

太 初 有 道

"Tao" signifie "dire" et "indiquer", ainsi que "direction". Aucun problème de ce côté là. Du point de vue de l'importance de ces mots respectivement pour la "Monde chinois" et pour le "Monde occidental", l'équivalence va également de soi. Mais, à sens unique. Il me semble que ce logos là ne supporterait pas l'Aller-Retour, tel que notre sensibilité contemporaine le réceptionnerait.

Nous avons l'habitude de lire ou d'entendre parler du "Tao" associé à des domaines aussi variés que la médecine, la cuisine, la sexualité, le jardin, la gouvernance, etc. et -pourquoi pas?- la philosophie. Il y aurait aussi la religion.... Et, dans le taoïsme religieux, il y aurait même la question du mariage des prêtres & "moines". (Toujours d'actualité dans le Catholicisme. Dernièrement encore, un spécialiste du Vatican a rappelé que Jésus était célibataire, contrairement à Pierre du reste.)

De son côté,

Psychologie (étude des règles du fonctionnement de l'esprit ; littéralement "esprit-fonctionnement (ou principe de fonctionnement)-étude" s'écrit

心理学

Bon! J'espère en être excusé : je profite du fil de ma réflexion "populaire" pour étudier la langue chinoise ; j'ai tendance à montrer mon tout jeune savoir. Surtout, à profiter de toute occasion pour faire usage de "mots" chinois, afin de m'habituer à la souplesse de leurs sens.

(( Je rappelle au passage ce que j'avais mis dans mon tout premier billet : Au plan général, ces questions ne peuvent plus rester l’apanage de cercles intellectuels plus ou moins restreints. Au plan local ou particulier, en chacun de nous, en chacun par rapport à son groupe, de son groupe par rapport à celui du voisin tout comme leurs relations différenciées à l’ensemble planétaire, ces questions sont appelées à devenir populaires. Populaire au sens où est entendue l’expression d’Astronomie Populaire.))

Mais, j'ai le sentiment que montrer mes tâtonnements est en soi pédagogique.

Si la mondialisation n'était qu'une affaire bancaire et/ou géopolitique, elle serait un moindre mal.

En réalité, cette mondialisation que l'on voudrait accompagner d'une "planétarisation de la conscience humaine" (Teilhard de Chardin) me parait s'opérer dans ce que ma grand-mère appelait du "bourrage de crane", et, quand elle se mettait en colère, elle ajoutait "les politicards! y cherchent encore de la chair à canon"! Mais, j'en conviens d'avance : c'était le vieux temps, à présent on connait des jours meilleurs, les "frappes chirurgicales" par exemple.

Ma grand-mère ignorait que le "bourrage de crane" n'est pas l'exclusivité de la politique politicarde, qui se dit aujourd'hui "politicienne", mais aussi toutes les formes de standardisation sociale et de normalisation mentale.

Elle n'avait pas lu Psychothérapie Occidentale et Orientale, ni Joyeuse Cosmologie

 

 

 

 

5 mai 2012

Le Livre de la Sagesse (5/5 B)

無為

Pour aller vite en besogne :

Tabou → aliénation → intellect seul → action agressive de l'ego contre son corps et contre la nature (dont son corps comme le corps de l'autre sont des parties) → insatisfaction, dualisme & Prison mentale.

Tao Ziran → Xin → wu wei → Soi & Libération.

&

Lorsque Maître Deshimaru arriva en France (alors qu'il ne parlait pas bien français!), on lui posait tout un tas de questions assez saugrenues auxquelles il répondait parfois de manière également assez saugrenu.

Je me souviens avoir lu une interview qui revenait à peu près à ceci :

«Qu'est-ce que ce Za-zen au plan philosophique ?

R/ C'est un moyen d'accéder directement à l'Intuition, de Bergson!»

J'avais trouvé la réponse "un peu fort". Je ne voyais vraiment pas le rapport!

C'est en lisant Propos intempestifs sur le Tchouang-tseu, de Jean Levi, Ed. Allia, 2003, p 38 que je m'en suis souvenu et (peut-être) que j'ai compris ce que Deshimaru avait voulu dire et qui m'était apparu si "saugrenu". (Curieux comme l'incompétence pousse à des jugements trop hâtifs.)

Voici :

«Bergson a cette formule saisissante, que ne renierait pas Tchouang-tseu : "Il y a des choses que l'intelligence seule est capable de chercher, mais que par elle-même, elle ne trouvera jamais. Ces choses, seul l'instinct les trouverait ; mais il ne les cherchera jamais"

(...) «Ce que l'intuition apporte de plus à l'intelligence, c'est cette faculté de sympathie (au sens premier et étymologique) propre à l'instinct. Elle seule, parce-qu'elle livre une compréhension intime du vivant, permet de se fondre dans l'autre. Tchouang-tseu dirait "faire corps avec la totalité des êtres"

 

Dans Bouddhisme zen, se référant à Zhuangzi, Watts nous dit que la "non-conscience" fait appel à l'esprit tout entier, tout comme nous faisons appel à notre pouvoir visuel tout entier (vue synoptique) lorsque nous regardons divers objets en même temps sans en fixer aucun en particulier.(p 47)

Puis, après un détours d'une cent-cinquantaine de pages, il peut nous "divulguer" tout le truc : "L'expérience zen, c'est plus une conclusion qu'un prémisse. Ce n'est en aucune manière le premier pas d'une suite de raisonnements éthiques ou métaphysiques, car les conclusions y conduisent plutôt qu'elles n'en découlent." ( p 204)

Nous sommes bien loin de toute idée d'acculturation et toute inculturation n'a plus rien à y voir. Pourtant, on affirme ici et là, qu'il faudrait "occidentaliser" le Chan/Zen....

 

Revoyons un peu le "Dao"

Zhuangzi 32, nous en dit - Anne Cheng, La pensée chinoise, Seuil, 1997, p 125

« Connaître le Dao est aisé ;

ce qui n'est pas facile, c'est de ne pas en parler.

Le connaître et ne pas en parler,

c'est le moyen de rejoindre le Ciel ;

Le connaître et en parler,

c'est le moyen de rejoindre l'Homme.

Les anciens s'en remettaient au Ciel,

et faisaient fi de l'Homme.»

&

Anne Cheng nous expose et clarifie la chose, en mentionnant les positions de trois grands commentateurs du Zhuangzi. -ibid. p 320

« Qualifier le Dao d'indifférencié pourrait, en effet, le cantonner à la dimension mystique d'une via negativa, mais la notion d'un principe structurant vient couper court à toute tentation de rester dans un silence apophatique en faisant valoir l'action du Dao dans la nature.» qui est la position de Wang Bi (226-249).

« ...cela s'appelle le naturel (tianran, litt. "ce qui procède du Ciel"). Naturel, c'est-à-dire sans qu'il y ait action (pour le faire être de telle ou telle façon). C'est pourquoi on le dit céleste : s'exprimer ainsi, c'est mettre en lumière la spontanéité. (...) Chacun des êtres est de lui-même ainsi (ziran) et nul ne sait par quoi il est ainsi. (...) Quel est l'être qui les fait germer ? Ils sont ainsi d'eux-mêmes, voilà tout.» qui est la position de Guo Xiang (252-312).

Deux positions théoriquement irréconciliables, mais qui, dans la mise en pratique (comme dans la signification d'une étude -xué- entendue comme apprentissage plus qu'étude livresque), se trouve dépassée

en suivant le philosophe Dai Zhen (1724-1777) -ibid. p 566

«Le Yin/Yang et les Cinq Agents sont la réalité constitutive du Dao ; énergie vitale et faculté mentale sont la réalité constitutive de la nature humaine. Dès lors qu'il y a réalité constitutive, on peut y opérer des distinctions.»

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Liens consultés à l'occasion de "The Book"

http://www.univ-rouen.fr/arobase/v6/rogue.pdf

http://www.revue-etudes.com/Religions/L__inculturation__du_bouddhisme_en_France/7497/14198

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Je vous remercie de votre visite. Et, j'espère vous retrouver à l'automne prochain, soit ici même, soit sur xinxinmingapopha.

 

 

 

4 mai 2012

Le Livre de la Sagesse (5/5) A

Le Livre de la Sagesse (5/5-A)

 

Liens en français sur Alan Watts et sa philosophie, replacée dans un contexte "contre-culturel".

http://revolution-lente.coerrance.org/eloge-de-l-insecurite-alan-watts.php

http://jerryroad.over-blog.com/article-22410446.html

http://www.noosfere.org/caza/lettresouvertes/lettresouvertes_251_260.html

http://albertportail.info/spip.php?article231

http://agora.qc.ca/Dossiers/contre_culture

(Le gros avantage du Québec est que l'on peut y être spirituel mais anticlérical, ne pas être laïciste ni sectariste sans être accusé de fascisme, aimer la liberté sans être suspecté d'être de la bande à Bonnot. Une autre manière d'être...)

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自然

Le Dao est Ziran. Ziran implique wu-wei qui ouvre le coeur-esprit à la Conscience Cosmique.

Mais, qu'est-ce que le Dao et le Ziran ?

Comment Revenir à ce Ziran ?

La signification (le référent) de "Dao" est-il bien une spécificité chinoise, et donc une question d'altérité ; ou ne pourrait-il pas être une caractéristique de toute société et/ou sagesse anciennes par rapport au monde moderne ?

Sont des questions que l'on peut se poser... auxquelles je vais seulement suggérer quelques éléments de réponses.

 

Résumé des épisodes précédents :

En début d'ouvrage, Watts nous a dit que

- le Christianisme est devenu incroyablement difficile à expliquer, qu'il est conseillé d'imiter Jésus, mais qu'on n'explique pas toujours juste comment faire; on parle de grâce divine sans préciser comment l'obtenir, ni expliquer son rapport avec la sensation d'un "moi je", intrinsèquement associée à celle d'isolement, qui ne pourrait être élargie que par la conquête progressive et linéaire du monde extérieur. (Étant entendu que "moi je" doit commencer par maîtriser son corps, puisqu'il n'est pas son corps, ni l'environnement de son corps, ni la société dans laquelle il vit, ni même le temps de sa vie phénoménale.) Cette lutte d'un "moi je" et d'un "non-moi" complique son dualisme de la "double-contrainte", dont je me suis permis de souligner qu'elle n'est pas confondre avec la "névrose expérimentale"

a) dans cette dernière les stimuli de force égale mais opposée sont perçus en tant que tels. Ils sont en somme, au plan de l'action, de qu'est la perception de la forme et du fond au plan de la connaissance, lorsque celle-ci dépend de celui regarde.

b) dans la névrose expérimentale le traquenard cognitif est conscient, et, généralement, se dénoue par nos simples "a priori" culturels ou éducationnels ; dans la double-contrainte, les éléments du traquenard ne sont pas ou pas vraiment conscient, seule la souffrance ou l'inhibition provoquées par le traquenard le sont.

- nombre de "problèmes" réels ou supposés proviennent de ce un tabou qui nous empêcherait de connaitre qui nous sommes vraiment, en raison de notre perception comme de notre aperception du monde.

- qu'il se propose de lever ce tabou, mais qu'il vise plus de proposer une nouvelle perception qu'un nouveau système philosophique.

Pour ma part, -comme mes visiteurs ont pu le constater-, je me suis complètement perdu à vouloir expliquer ce qui est le résumé de toute une œuvre. Quand je l'avais lu dans sa traduction française, -survolé serait peut-être mieux dire-, j'avais beaucoup ri. Selon telle ou telle allusion, je repensais à tel ou tel autre de ses ouvrages et/ou des ouvrages qu'il recommandait à ses étudiants de lire. L'effet est effectivement hilarant : une sorte de chapelet d'idées égrainé à la vitesse grand V ou d'arguments délivrés en mitraille.

Considérablement ralenti par ma lecture en anglais, j'ai éprouvé l'impression d'être entré dans une pâtisserie fine, et affolé par le nombre des friandises offertes en matière d'idées, d'images, de concepts, de pratiques, de sensations. Je n'ai plus su où donner de la tête.

Il m'est rapidement apparu que je ne pouvais résumer toute une œuvre et CE DONT ELLE TRAITE sous prétexte de rendre compte d'un livre qui n'apporte rien de nouveau par rapport à cette même œuvre toute entière.

"mea culpa" ou "auto-critique", je dois solliciter que mes excuses soient agrées selon la formule la mieux recevable à vos yeux.

&

Et, sans qu'il s'agisse d'un parti que j'ai délibérément pris, je suis allé voir aux alentours ce qui pourrait "contextualiser" ce 'The Book", ou permettre de tracer des "perspectives" pour le mieux relire.

Pour ma part, également, je suis perplexe d'avoir lu* qu'à Shanghai le sens de l'ego apparaissant de plus en plus (dans son caractère morbide, je suppose) et que la psychanalyse y prenait pied avec un succès sans cesse grandissant. Mais, parallèlement, que dans le secret de ce qui devait être de somptueux appartements particuliers se sont organisées quelques écoles néo-confucianistes se voulant revenir aux sources des écoles chinoises traditionnelles.

* N'est-ce pas Aldous Huxley qui mentionnait le cas d'une tribu peaux-rouge disposant de quatre mots différents pour dire "je sais" selon qu'on en a entendu parler, que l'on a rencontré un témoin direct et fiable, que l'on en est soi-même le témoin ou enfin que l'on est soi-même l'acteur ou la victime de l'événement que l'on rapporte ? Savoir pour l'avoir lu équivaut bien sûr à cet "entendu parler". Savoir le moins fiable, mais qui entre dans "l'information"...

&

Peut-être avez-vous lu cette page dans laquelle je fais allusion à l'Immaculée Conception, dont le dogme (du simple point de vue de sa formulation) était totalement incompréhensible à cette tribu des confins indo-tibéto-birmains. A leurs oreilles, le caractère antinomique "d'immaculée" et de "conception" était inexistant, aucun des deux termes ne correspondant à une quelconque réalité de leur quotidien. Dans le Catholicisme comme en Islam, les dogmes de l'Immaculée Conception et de la Conception Virginale se superposent presque toujours, en dépit de quelques variations mineures au cours de l'histoire.

(Dans l'optique d'Alan Watts, "Immaculée Conception" signifierait plutôt quelque chose comme absence de toute conception générée par les illusions de la Maya, le jeu de "nama-rupa", les noms et les formes, les mots et images. Mais restons-en au sujet.)

Cette tribu, comme quelques autres dites primitives, ne voyait pas quel rapport il pourrait bien y avoir entre le fait de savourer les plaisirs de la chair et celui de voir la tribu s'agrandir d'un nouveau membre. C'est une difficulté d'inculturation du message chrétien ; c'est aussi une illustration des limites du langage.

&

自然

Qu'est-ce qu'être "de soi-même ainsi" ? C'est, par exemple, quand vous tombez dans les escaliers, sans rien tenter et que vous arrivez intact à l'étage en dessous, ou quand vous tombez du haut d'un arbre et arrivez au sol sans même une égratignure, ou quand vous vous écartez de 10 cms de la trajectoire d'un bolide et n'êtes pas percuté, ou quand un objet très lourd va vous tombez sur le crane et que vous faites un pas de danse sur le côté. Ou encore, dans les rapports sexuels comme déjà dit dans Amour et Connaissance, quand vous laissez venir le plaisir au lieu de l'aller chercher. C'est toute chose qui se produit sans dommage et sans aucune intervention volontaire de l'ego.

François Billeter cite l'art du boucher Ding qui, dans le Zhuangzi explique à l'Empereur son adresse à découper un bœuf : «Mes sens n'interviennent plus, mon esprit agit comme il l'entend et suit de lui-même les linéaments du bœuf» p 16

Billeter poursuit :

«Cette abolition de l'objet va de pair avec celle du sujet» p 17

Il y définit l'expérience «substrat familier de nos activités conscientes, auquel nous ne prêtons normalement pas attention.» p 20

Le savoir ce qui «nait de la perception» p 25 et qui est loin des idées toutes faites. p 36

Montaigne, selon Clément Rosset et repris par François Billeter pensait que «si l'esprit dérape, c'est à cause de l'esprit lui-même, dès lors qu'il cesse de se laisser guider par le corps.» p 51

«Seuls les animaux savent agir selon le Ciel.» p 52

En disparaissant (=>en cessant de fonctionner selon ses propres lois) «la conscience ne peut être témoin de sa propre disparition.» p 61

Il nous dit aussi que les idées sont moins importantes que l'action qu'elles peuvent enclencher, la parole ne vaut que par le changement qu'elle provoque.

J'ai grand envie de déclarer que cet ouvrage -jusque p 81- est une excellente et merveilleuse introduction pour comprendre le sens de "Ziran", Spontanéité & de soi-même ainsi ; par là de la manière d'être à laquelle tend la vie en Chan/Zen.

Tout élément de l'univers nait de son contraire, que ce soit par alternance (jour & nuit, appuyer d'une jambe puis de l'autre pour faire avancer une bicyclette) ou par complémentarité (la demande & l'offre, le dominé et le dominant, l'acheteur & le vendeur, le voleur & le gendarme) ou par opposition nécessaire (un château de cartes ne tient qu'en raison de la force égale et opposée de chaque binôme de cartes, les arc-boutant de l'architecture gothique, etc.)

Toutes ces paires d'opposés qui vont ensemble sont innombrables.

Comme les chinois le disent : les diverses caractéristiques d'une situation s'engendrent mutuellement, comme le fond et la forme, pile et face d'une pièce de monnaie, œuf et poule, jour et nuit, homme et femme. Ce dernier cas est un peu spécial : psychologiquement, l'homme et la femme s'engendrent (ou se castrent) mutuellement, indépendamment de la production d'un petit humain. Je ne voudrais pas faire encore du mauvais esprit, mais il faut bien dire que de l'Immaculée Conception au viol, on peut tomber de haut, et, parfois, ne s'en jamais relever. Mais -bon d'accord!- ne mélangeons pas les problèmes...

&

Le Livre se conclut en disant qu'être Cela -ou Dieu- ce n'est pas tenir le rôle du Soi mais jouer à être toutes les autres choses...(To come on like IT—to play at being God—is to play the Self as a role, which is just what it isn't. When IT plays, it plays at being everything else.)

&

Je viens de passer cinq minutes à feuilleter Amour et Connaissance (Nature, Man and Woman), qu'Alan Watts avait publié une dizaine d'années plus tôt (et auquel il renvoit dans Le Livre). Je vais probablement passer beaucoup plus de temps à saisir ici qu'il s'agit d'une sorte de plaidoyer pour le bonheur de vivre, cependant que Le Livre serait plus un réquisitoire contre ce qui empêche notre joie de vivre. Le sujet est pourtant le même : l'introduction de Amour et Connaissance marque la différence entre les Sociétés Traditionnelles et le Monde Moderne, précise au passage que la véritable conscience est moins celle de ses objets que celle de la relation du sujet et de l'objet, que la science d'un logos "mot et pensée" présuppose qu'il y aurait un monde pré-existant à la découverte et l'observation que nous pouvons en faire, nous invite à l'extase qui nait avec la défaite de l'Ego, quand il s'évanouit avec les illusions dans lesquelles il se complaisait «Mais en s'évanouissant, il s'abandonne au vide même où resplendissent le soleil, la lune et les étoiles.»

Je laisse en cours de route la sexualité (tout en spécifiant au passage que la position d'accouplement qu'il indique est super-chouette, je puis en témoigner) pour en venir directement à sa conclusion qui résume tout son propos :

«...un chanteur accomplie ne chante pas un chant, il lui permet seulement de se chanter en quelque sorte lui-même pas sa voix, sans quoi il perdrait le rythme et forcerait le ton. L'écoulement de la vie se révèle de même comme un chant autonome où l'actif et le passif, l'intérieur et l'extérieur sont finalement identiques. L'homme gratifié d'une telle conversion de la perception retrouve alors sa vraie place dans la nature. C'est ce que sous-entendent les images du poème chinois :

Vivons

Dans les nuages blancs et la pourpre des bois.

Chantons tous ensemble

Les chants de la Grande Paix

(tr. P-H Gonthier)

 

 

 

 

 

28 avril 2012

Arc-en-Ciel 2/2

Arc-en-Ciel 2/2 Guan-Yin m'est miséricordieuse! Je viens de trouver en http://ideeschinoises.blog.lemonde.fr/ du 04.04.2012 ...ce qu'il me faut pour poursuivre : «Dans les premiers chapitres je n’ai pas eu le sentiment, comme promis par le compte-rendu du Monde des livres1, de découvrir des idées nouvelles. La pensée comme l’expression arborent une pleine maturité, mais, pour qui connaît le travail de F.Jullien , rien de neuf dans l’interprétation proposée de la pensée chinoise : « ni muthos ni logos », toujours la même expression, au demeurant si efficace sous l’angle pédagogique. Là-bas, nous rappelle-t-elle, on ne narre pas, on n’argumente pas, on est dedans, tout de suite, dans le mouvement des choses, et on n’en sortira plus. Dans ce discours simple, étale, doucement irrésistible, pas d’Être (ni de devenir), pas de Dieu (ni de monde créé), pas de Sujet (ni d’objet), pas d’Esprit (ni de matière). Rien que du souffle-énergie en mouvement sous l’égide d’une Voie qui jamais ne s’arrête. Pas d’éternité non plus mais un écoulement sans fin, comme le fleuve dont Confucius contemple sereinement le cours. On ne se creuse pas la tête sur un Premier Commencement, on ne s’angoisse pas sur une Fin Dernière. Les Chinois ne se posent que les problèmes qu’ils peuvent résoudre.» Nous avons vu que la perception première du "calice-baiser" (du calice et/ou baiser) est une affaire de convenance personnelle, de "connotation affective". Un anticlérical n'y verra d'ailleurs pas du tout un calice mais un simple pot de fleur ! (Pour souligner, dans mon bouquin hors-commerce, ce qu'en dit Watts, j'avais du dessiner un "vase" qui ressemble vraiment à un calice tout en maintenant "l'indécision perceptive" selon que l'on regarde d'abord le fond ou la forme, le noir ou le blanc). L'inconvénient de cette démonstration expérimentale est sa réduction à une seule alternative et que l'objet de perception est statique. Dans la perception d'un arc-en-Ciel, l'expérience est bien moins statique et comporte même une connotation d'espoir si celle-ci intervient alors que vous marchez ou roulez à bicyclette complètement trempé. Le Ciel paraît vouloir dire "t'en fais pas mon petit gars, ça va sécher". Par le fait, ça m'est arrivé plusieurs fois ; ce n'est peut-être pas de la grande mystique mais ça fait tout de même sacrément plaisir de se retrouver à sec quelques kilomètres plus loin/plus tard qu'au lieu et moment de "l'apparition"! Et, à défaut d'un sentiment "océanique", on peut éprouver un sentiment de connivence avec la nature. Dans l'arc-en-ciel, philosophiquement, les choses se compliquent un peu en ce sens qu'après s'être demandé s'il s'agit d'une réalité objective observable dans certaines conditions optiques ou d'un phénomène optique réalisable dans certaines conditions objectives, que reste-t-il à dire ? Pas grand-chose. Nous revenons à une classique dissertation de classe de philosophie sur l'exactitude de la perception que nous avons du monde, et de la représentation mentale que nous en formons. Et, à priori, ce problème ne concerne pas un "tabou qui nous empêcherait de savoir qui nous sommes", et que j'ai d'ailleurs de plus en plus envie de reformuler en "Tabou qui nous contraint d'ignorer ce que nous sommes"! § Un observateur en position ad hoc + le soleil + l'humidité = arc-en-ciel.  Bien sûr, on pourrait dire que si le soleil et l'humidité sont en relation ad hoc, disons, plus l'océan, tout observateur sur un navire qui navigue en conformité avec eux peut voir un arc en ciel.  On pourrait dire qu'avec un observateur et le soleil correctement alignés, l'arc-en-ciel apparait quand il y a de l'humidité dans l'air! Mais, nous dit Watts, cette présentation des choses n'est pas admissible dans notre culture, car elle laisserait supposer qu'il y faut un observateur, alors que la mystification ordinaire consiste à laisser penser que les choses existent par elles-mêmes, qu'il y ait un observateur ou pas. Pour ma part, je dois dire que cette question proprement dite ne m'a jamais beaucoup inquiété. J'ai appris au "petit catéchisme" que Dieu fait apparaître un arc-en-ciel pour nous dire qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il n'est pas fâché. Ce ne sera pas le Déluge. Le soleil et sa chaleur vont revenir. Mais, je dois avouer que j'avais été traumatisé (j'en avais fait des cauchemars plusieurs nuits de suite) quand j'avais lu cette autre question de Watts : "Quand des arbres tombent par une nuit de tempête, que deviennent-ils au petit matin s'il n'y a eu personne pour entendre le fracas le leur chute ?" C'était comme toucher du doigt l'irréalité du monde. C'était terrifiant. Car, si le monde est irréel, il s'ensuit à coup sûr que moi-je pourrais être tout aussi irréel que lui ! Que reste-t-il donc si moi et le monde n'existent pas réellement ? (Excusez-moi de jouer les instites, mais c'est peut-être le moment de relire mon emprunt à "Idées chinoises"...) Descartes -mais peut-être plus les cartésianistes que Descartes lui-même- nous diront qu'il y a au moins une certitude sur laquelle on peut s'appuyer avec confiance : que nous puissions "penser" à l'irréalité du soi, du monde ou des deux ensembles prouve que penser existe (et est "réel"). C'est l'un des "fondamentaux" de l'Occident. En Orient, en Extrême-Orient, se situer dedans le mouvement est plus important (et pratique) que penser le mouvement, ou les éléments nécessaire au mouvement, ou, sinon, la perception du mouvement dans lequel nous sommes.

 Yin yang 

Ce symbole (taiji tu) doit s'imaginer en mouvement, la nuit-noir-vieille-yin s'effaçant au fur et à mesure que le jour-blanc-jeune-yang la recouvre - et alternativement !

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